Tunisie : la société civile sous pression, la démocratie à l’épreuve
Onze ans après la révolution du Jasmin, la Tunisie traverse une période d’inquiétude profonde. Les promesses démocratiques de 2011 s’effritent sous le poids d’un pouvoir de plus en plus centralisé. En cette fin d’année 2025, les rapports des ONG internationales dressent un constat sévère : la société civile tunisienne est sous pression, les libertés publiques reculent et les voix critiques sont ciblées.
Depuis deux ans, les arrestations d’opposants politiques, de journalistes et de militants se sont multipliées. Le président Kaïs Saïed, qui gouverne par décret depuis 2021, justifie ces mesures par la lutte contre la corruption et la préservation de la stabilité. Mais pour Human Rights Watch et Amnesty International, il s’agit d’une dérive autoritaire : dissolution de partis, poursuites judiciaires pour “atteinte à la sûreté de l’État”, censure indirecte des médias indépendants. La Tunisie, longtemps vitrine de la transition démocratique arabe, semble s’enfermer dans un modèle de pouvoir vertical.
Malgré ce climat, la résistance s’organise. Dans les quartiers populaires de Tunis, Sfax ou Kairouan, des associations continuent de défendre les droits des femmes, la liberté d’expression et l’accès à la justice. « Nous refusons le retour à la peur », confie Leïla, avocate et militante des droits humains. Ces réseaux citoyens, bien que fragilisés, gardent une influence réelle sur les débats publics, notamment à travers les réseaux sociaux et les plateformes communautaires. Ils maintiennent vivante une culture du dialogue et du pluralisme.
La tentation des jeunes pour l'exil
Sur le plan économique, la situation reste tendue. L’inflation, la baisse du dinar et la crise du chômage alimentent le mécontentement social. Le gouvernement tente de contenir la grogne par des mesures symboliques — hausse des salaires publics, promesses de réformes — mais sans perspective structurelle claire. Dans ce contexte, les jeunes Tunisiens sont nombreux à envisager l’exil vers l’Europe, accentuant la fuite des compétences et la fracture générationnelle.
Pourtant, tout n’est pas perdu. Des voix émergent au sein même de la sphère politique pour appeler à un sursaut démocratique. Des initiatives locales voient le jour, comme les forums citoyens de Gafsa ou les coalitions pour la transparence budgétaire. Ces mouvements rappellent que la Tunisie conserve un atout majeur : une société civile éveillée, éduquée et inventive. Reste à savoir si elle pourra encore peser face à un pouvoir de plus en plus verrouillé.
En cette fin d'année 2025, dans les cafés de Tunis ou sur les places de Sousse, on parle moins de fête que d’avenir. La démocratie tunisienne, née d’un espoir immense, affronte sa plus grande épreuve. Et le monde méditerranéen observe — inquiet, mais solidaire.