les groupes armés islamistes auteurs de terribles crimes dans les années 90... (DR)

Terrorisme. Un retour aux années noires menace-t-il l’Algérie ?

L’attentat du vendredi 17 juillet, dans la région d’Aïn Defla, conduisant à la mort de 9 jeunes soldats, la prise d’otages sur le site d’exploitation gazière de Tiguentourine en janvier 2013 ou encore la décapitation de Hervé-Pierre Gourdel en septembre 2014 signent la résurgence de l’intégrisme islamiste en Algérie. Le pays peut-il rebasculer dans l’horreur des années 1990 ? Analyse.

L’opération a été revendiquée par l’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Le 19 avril 2014, une embuscade de même nature contre un détachement militaire avait fait 11 morts, à Iboudrarene, à 150 km à l’est d’Alger. L’année précédente, du 16 au 19 janvier 2013, un groupe armé dissident d’AQMI, «les Signataires par le sang», avait mené une prise d’otages sur le site d’exploitation gazière de Tiguentourine, dans le sud algérien. Bilan de l’assaut des forces spéciales algériennes : 37 otages, et 29 assaillants tués. Le 23 septembre 2014, enfin, un autre groupe transfuge d’AQMI décapitait le Français Hervé-Pierre Gourdel, un guide enlevé dans les montagnes du Djurdjura en Kabylie.

Détermination de l’armée

Une quinzaine d’années après la loi de «grâce amnistiante», supposée encourager la repentance des terroristes islamistes et provoquer l’effritement des réseaux, les Algériens font ainsi le triste constat d’une résurgence de leur force de frappe jusqu’au cœur de l’appareil sécuritaire, de leur capacité à porter des coups très durs aux infrastructures économiques et de réaliser des prises d’otages spectaculaires. Le terrorisme est-il vraiment «résiduel», comme continuent à l’affirmer les autorités civiles et militaires ? L’Algérie ne court-elle pas à nouveau le risque d’une confrontation à l’hydre islamiste revigorée par l’expansion de Daesh en Syrie, en Irak et jusqu’à ses frontières avec la Libye en feu et dans le Sahel ? La propagande salafiste, qui se répand à travers les chaînes satellitaires domiciliées dans les pays du Golfe, n’aménage-t-elle pas un terrain favorable à l’intégrisme ?

«Il y a certes des risques d’attentats, mais le terrorisme islamiste n’est plus aujourd’hui en mesure de faire vaciller la République», répond d’un trait Yacine Teguia, secrétaire général du MDS (Mouvement démocratique et social), issu de la mouvance communiste. Selon lui, «les groupes armés tentent de s’affirmer à travers des actions spectaculaires, mais ils se heurtent à la détermination de l’armée à les éradiquer». Une centaine de terroristes islamistes auraient été tués, en effet, ces derniers mois, selon les chiffres communiqués par l’ANP (Armée nationale populaire). Les zones géographiques où ils évoluent sont de plus en plus quadrillées, les embuscades meurtrières restant toujours possibles. Indice rassurant, aux yeux du dirigeant du MDS, le faible contingent d’Algériens dans les rangs de Daesh. «On parle de 63 personnes, tout au plus, alors que le flux de jeunes Tunisiens qui rejoignent “l’EI” ne tarit pas.»

Essoufflement du régime

La société algérienne serait ainsi moins réceptive aux sirènes du fondamentalisme. «Elle est immunisée, assure Soufiane Djilali, président de Jil Jadid (Nouvelle Génération), une formation centriste. La configuration n’est plus celle des années 1990, les mouvements islamistes, y compris l’ex-Front islamique du salut (FIS), ne sont plus dans une logique de recours à la violence.» De son point de vue, la propagande, les pressions pour islamiser, moraliser les modes de vie et de comportement ne provoquent pas les effets recherchés. «Cela peut paraître paradoxal, mais les Algériens ne sont pas plus religieux pour autant», affirme-t-il, non sans exclure «la nécessité de travailler à un éveil des consciences auprès d’une génération ouverte sur le monde». Fragilisée par l’essoufflement du régime et l’assèchement des ressources en devises, l’Algérie n’en reste pas moins une cible de choix pour les islamistes intégristes.

 

Source: l'Humanité Dimanche du 30 juillet au 5 août