Crise migratoire en Algérie : un bilan tragique en 2025
Un nouveau rapport de l’ONG Caminando Fronteras révèle un chiffre effrayant : 1 037 personnes ont trouvé la mort ou ont disparu en tentant de rejoindre l’Espagne depuis les côtes algériennes en 2025. Un drame humain qui s’inscrit dans le silence relatif des États riverains et confirme la dangerosité croissante de la Méditerranée occidentale.
Chaque fin d’année apporte son lot de bilans, mais celui publié ce 30 décembre par l’organisation espagnole Caminando Fronteras glace le sang. En 2025, plus de mille personnes ont péri ou disparu en tentant de traverser la mer depuis l’Algérie vers la péninsule ibérique. Des hommes, des femmes, parfois des enfants, embarqués sur des canots légers ou des bateaux de fortune, poussés par le désespoir et le mirage d’un avenir européen. Ces chiffres placent la route algérienne parmi les plus mortelles de la Méditerranée occidentale, surpassant désormais celle du détroit de Gibraltar.
Selon Helena Maleno, fondatrice de l’ONG, « chaque disparition en mer est le symptôme d’un échec collectif : celui de la solidarité, de la prévention et du sauvetage ». L’organisation, basée à Madrid et Tanger, tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme : le nombre de naufrages recensés a doublé depuis 2023, malgré les appels répétés à renforcer les moyens de recherche et de secours. Le rapport mentionne notamment des zones maritimes dépourvues de coordination entre les gardes-côtes algériens et espagnols, ce qui retarde souvent les interventions.
Dans plusieurs ports de la côte oranaise, des familles attendent depuis des mois des nouvelles de proches disparus. « Nous ne savons pas s’ils sont morts, retenus ou perdus quelque part », témoigne une habitante d’Aïn Témouchent, dont le fils de 22 ans a pris la mer en septembre. Ces drames anonymes, loin des projecteurs médiatiques, composent une tragédie silencieuse mais continue. À Oran, Mostaganem ou Béni Saf, les embarcations partent souvent de nuit, discrètement, avec à bord dix ou quinze personnes, sans GPS ni téléphone satellite.
Une mer devenue cimetière, entre désespoir et indifférence
Les chiffres de Caminando Fronteras ne se limitent pas à l’Algérie : sur l’ensemble des routes migratoires vers l’Espagne, 2 760 personnes ont perdu la vie en 2025, dont près de 40 % au départ du littoral algérien. Cette évolution traduit un déplacement des flux depuis les côtes marocaines et mauritaniennes vers l’ouest algérien, où les réseaux de passeurs prospèrent. Selon l’ONG, « les candidats à la traversée viennent désormais autant d’Algérie que de pays subsahariens, fuyant la pauvreté, les restrictions politiques ou les violences locales ».
La Méditerranée, autrefois pont entre les civilisations, est devenue un mur liquide. Malgré les alertes des ONG, les réponses politiques demeurent timides. L’Union européenne continue de privilégier les politiques de dissuasion et de contrôle, plutôt que le sauvetage et la protection. Alger, de son côté, ne reconnaît officiellement qu’un nombre limité de disparitions, estimant que les chiffres sont exagérés. Une position qui, selon plusieurs associations, « nie la réalité vécue par des milliers de familles endeuillées ».
Sur le terrain, les acteurs humanitaires manquent cruellement de moyens. Les rares ONG locales autorisées à intervenir, souvent en coopération avec des collectifs espagnols, dénoncent l’absence de coordination et le manque d’accès à certaines zones côtières. Le littoral d’Oran à Mostaganem est aujourd’hui décrit comme une « zone grise » par les chercheurs : ni totalement contrôlée, ni réellement surveillée.
Cette tragédie méditerranéenne, qui s’écrit au fil des vagues, soulève de profondes questions sur la responsabilité partagée des États. Comme le résume Caminando Fronteras, « la Méditerranée ne tue pas : ce sont les politiques migratoires qui la transforment en cimetière ». Une phrase lourde de sens à la veille d’une nouvelle année, qui rappelle l’urgence d’un changement de cap.