L'une des images fortes de la  manifestation nationale des ultras organisée en octobre, à Montpellier. (© N.E)

France : les Ultras demandent une table ronde à Valls et à la LFP

Après le fiasco du Trocadéro, les ultras du pays demandent l'ouverture d'un ''dialogue constructif avec les groupes de supporters'' au ministre de l'Intérieur et à la Ligue de Football Professionnel, dans un communiqué commun signé par une quarantaine d'organisations.

Moins de 10 jours après le fiasco du Trocadéro qui a vu des milliers de casseurs défigurer Paris et le sacre de Champion de France que la capitale attendait depuis 19 ans, près de quarante groupes ultras ont signé aujourd'hui un communiqué de presse commun dans lequel ils demandent l'ouverture d'un « dialogue constructif » par le ministre de l'Intérieur et la LFP. (voir ci-dessous).

La discussion ou l'autisme...

Sept mois après la manifestation nationale des ultras qui n'a jamais reçu aucune réponse de dialogue à la motion déposée en préfecture de l'Hérault, il serait vraiment temps que les pouvoirs publics et les instances du football organisent une table ronde pour mettre à plat toutes les difficultés qui s'imposent aux uns et aux autres, comme le préconise depuis longtemps Nicolas Hourcade, sociologue spécialisé dans l'analyse du supportérisme en France, sur les ondes de Liberté Pour Les Auditeurs (RTSRadio.fr), comme sur celles de Europe 1, dans l'émission animée par Jean-Charles Banoun. Une question de bon sens, dans une démocratie qui se respecte, comme l'a bien senti le PCF en demandant, ces derniers jours, la tenue d'états généraux du supportérisme...

Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur qui avait estimé, au lendemain des événements du Trocadéro, que le « football » est « malade », sortirait grandi de l'ouverture d'une table ronde rassemblant tous les acteurs du monde sportif, supporters ultras compris. Et l'amour du fair-play sans doute aussi, assurément...

Le communiqué des groupes ultras

« Une campagne médiatique sans commune mesure vient de s’abattre sur les groupes de supporters Français. En quelques jours, les « ultras » sont devenus l’ennemi public numéro 1. Avec les incidents au Trocadéro et la confrontation opposant des supporters lyonnais à leurs homologues marseillais, le Ministère de l’Intérieur et la Ligue de Football Professionnel annoncent de nouvelles mesures répressives contre les supporters.

Par ce communiqué, groupes de supporters et ultras français se donnent un droit de réponse, que les médias, les politiciens et les dirigeants des autorités sportives ne nous ont pas accordé. Cette réponse établit le bilan de la politique répressive, qui s’est révélée inefficace voire même contre-productive.

Les incidents au Trocadéro sont tout d’abord révélateurs des erreurs commises depuis plusieurs années par les pouvoirs publics : en interdisant la réunion de supporters en association (en l’occurrence ceux du PSG) et en multipliant les dissolutions d’associations de supporters déjà existantes, ils privent les clubs d’interlocuteurs crédibles et responsables. Pourquoi vouloir éliminer ces groupes de supporters dont les responsables sont pourtant connus et reconnus par leurs clubs respectifs ? Avec des groupes de supporters, organisés et structurés, jamais cette fête ne se serait déroulée ainsi.

La confrontation fortuite sur les bords d’une autoroute entre supporters Marseillais et Lyonnais a conforté les journalistes et les responsables politiques dans leur vision réductrice et étroite des ultras. Dès le lendemain, Frédéric Thiriez a dit réfléchir avec Manuel Valls à « des nouvelles mesures de restrictions, voire d’interdictions, aux déplacements de supporteurs ».

Il est regrettable que ni la Ligue de Football Professionnel, ni les Ministères de l’Intérieur ou des Sports ne souhaitent établir, au préalable, un bilan de la politique répressive déjà menée. Cette saison a été celle de tous les records à ce niveau. Le SC Bastia a joué pendant plus de trois mois en dehors de son stade, la LFP préférant pour des raisons de sécurité délocaliser ses matchs en métropole. Les tribunes niçoises et stéphanoises ont été récemment fermées à cause d’une utilisation d’engins pyrotechniques jugée excessive. Plusieurs interdictions de déplacement ont aussi été prononcées, souvent sans raison, privant les clubs parisien, niçois ou marseillais du soutien de leurs supporters.

Nous rappelons aux autorités publiques et sportives qu’elles auront pour tâche d’organiser l’Euro 2016, et qu’elles seront garantes de la sécurité des supporters européens. Si la LFP et le Ministère de l’Intérieur sont incapables d’encadrer quelques centaines de supporters en déplacement, comment feront-elles face au déferlement de centaines de milliers de supporters venant de toute l’Europe ?

Au lieu d’assumer leurs responsabilités et d’engager un dialogue constructif avec les groupes de supporters, la LFP et les pouvoirs publics empêchent les supporters d'accéder aux stades de football. Nous avons toujours assumé nos responsabilités lors d’incidents impliquant nos groupes. Qu’un supporter soit sanctionné lorsqu’il enfreint la loi est normal et nous ne le contestons pas. Mais notre souhait est que la sanction soit à la mesure de la gravité de ses actes plutôt que de subir des lois d’exceptions ou des jugements inéquitables. Nous sommes des citoyens et demandons à être traités comme tels.

Il ne faut pas non plus occulter les aspects positifs et le rôle effectif des groupes de supporters. Nous sommes organisés et avons pour but de coordonner la vie des supporters autour des clubs : organisation des déplacements, conception d’animations (tifos), rédaction de feuilles d’informations, dialogue avec le club… Nous avons également un rôle social dans nos stades et parfois dans nos villes (notamment l’encadrement de jeunes, l’organisation d’événements et diverses collectes pour les plus démunis). En effet, notre raison d'être, outre le fait de supporter, est d'être un point de rassemblement d'une jeunesse passionnée par un club. Nous faisons de nombreux sacrifices y compris financiers pour suivre nos équipes partout où elles jouent, ou plutôt où nous sommes autorisés à nous déplacer.

Nous avons la prétention d’affirmer que nous sommes un acteur à part entière du football français. Notre volonté de nous faire entendre auprès des autorités et de la LFP a jusque-là été vaine.

En octobre 2012, les groupes ultras français se sont unis lors d’une manifestation nationale à Montpellier, afin de défendre leurs droits les plus élémentaires de citoyens français : liberté d’aller et venir, présomption d’innocence, égalité devant la loi, liberté d’expression, etc. Cette manifestation faisait suite à une bavure policière précédant le match Montpellier – Saint-Etienne ; un ultra Montpelliérain avait alors perdu un œil suite à un tir de flashball. Plus d’un millier d’ultras et supporters de tous horizons se sont ainsi regroupés pour dénoncer cette politique répressive. Malgré certaines rivalités historiques, la manifestation s’est déroulée sans qu’aucun débordement ne soit à signaler.

Un texte de revendications fut alors transmis au Ministère de l’Intérieur sans jamais recevoir de réponse. Pire encore, dans un communiqué, le Ministère de l’Intérieur précisait qu’il continuerait la politique précédemment menée à savoir : tout répression et absence de dialogue.

Les récents incidents sont la preuve que la politique adoptée par le gouvernement et la Ligue de Football Professionnel est inadaptée et surtout inefficace ».

Liste des groupes signataires :

Ultras Populaire Sud (Nice), Ultra Boys (Strasbourg), Ultras Clermont, Armoric Clan (Guingamp), Drouguis Orléans, Dogues Virage Est (Lille), Ultras Troyes, Malherbre Normandy Kop (Caen), Virage Sud Lyon, Ultras Auxerre, Butte Paillade (Montpellier), Camarga Unitat (Montpellier), Ultramarines (Bordeaux), Barbarians (Le Havre), Virage Sud (Le Mans), Armada Rumpetata Nissa (Nice), Ultras Roisters (Valenciennes), Kop Banlieue (Créteil), Green Angels (Saint Etienne), Saturday FC (Nancy), Brigade 26 (Valence), VAL 70 (Sochaux), Red Tigers (Lens), Red Kaos (Grenoble), Celtic Ultras (Brest), Armata Ultras (Montpellier), Urban Devils (Créteil), Scheldt-fans (Valenciennes), Roazhon celtic kop (Rennes), Gladiators (Nîmes), Kop de la Butte (Angers), Merlus Ultras (Lorient), Ultras Monaco, Red Furi (Cannes), Horda Frenetik (Metz), Ex-LPA (Paris)