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Liquidation de Brandt en France : la chute spectaculaire de la vitrine européenne de Cevital

Le tribunal des activités économiques de Nanterre a prononcé jeudi 11 décembre 2025 la liquidation judiciaire du groupe Brandt, dernier fabricant français de gros électroménager. Cette décision met fin à un siècle d'histoire industrielle et signe un échec retentissant pour le groupe algérien Cevital, qui avait racheté la marque emblématique en 2014 avec l'ambition d'en faire sa vitrine européenne.

Sept cents salariés se retrouvent sur le carreau. Sept cents familles plongées dans l'incertitude à quelques jours des fêtes de fin d'année. Le couperet est tombé après deux mois de redressement judiciaire, faute de repreneur crédible. L'unique projet présenté, une société coopérative et participative (Scop) soutenue par le groupe Revive et des engagements publics de près de 20 millions d'euros, a été jugé insuffisant par le tribunal.

« C'est une terrible nouvelle, un choc, un coup très dur porté à l'industrie française », a réagi François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire, où se situait le siège social de l'entreprise. Les ministres de l'Économie et de l'Industrie, Roland Lescure et Sébastien Martin, ont qualifié cette disparition de « fleuron français qui s'éteint », promettant une mobilisation de l'État pour accompagner les salariés.

Les raisons d'un naufrage industriel

Comment en est-on arrivé là ? La réponse tient en plusieurs facteurs qui, combinés, ont précipité la chute d'un groupe centenaire. D'abord, l'effondrement du marché immobilier européen. « Brandt est pris par une affaire beaucoup plus grosse qui est la faillite du marché de l'immobilier tout court, parce que l'électroménager vit au rythme de l'immobilier », explique un expert du secteur. Moins de constructions neuves, moins d'équipements de cuisines.

Ensuite, la concurrence chinoise, devenue écrasante. La Chine domine aujourd'hui 50 à 60 % du marché mondial de l'électroménager grâce à des coûts de production imbattables et une maîtrise totale des chaînes de production et des composants clés. Face à ces mastodontes asiatiques, une entreprise française de taille moyenne comme Brandt, avec ses 260 millions d'euros de chiffre d'affaires, ne faisait plus le poids.

Enfin, le désengagement progressif de Cevital. Le groupe algérien, engagé dans une recomposition interne, a cessé de financer sa filiale française avec la même intensité qu'auparavant. Les banques se sont retirées, les fournisseurs ont exigé des paiements comptants, et la spirale infernale s'est enclenchée.

Pour le groupe de Issad Rebrab, considéré comme l'homme le plus riche d'Algérie, c'est un revers majeur. En rachetant Brandt en 2014 pour environ 100 millions d'euros au groupe italien Fagor, Cevital avait fait le pari audacieux de s'implanter durablement en Europe. La marque centenaire, fondée en 1924, devait servir de tremplin pour conquérir le marché européen de l'électroménager.

L'ironie du sort : Brandt Algérie prospère pendant que Brandt France s'effondre

L'ironie de cette liquidation réside dans le contraste saisissant entre les deux côtés de la Méditerranée. Pendant que Brandt France sombre, Brandt Algérie se porte bien. L'usine de Sétif, implantée dans un parc industriel de 95 000 mètres carrés ayant nécessité un investissement de 250 millions de dollars, tourne à plein régime.

Elle emploie 4 000 personnes et produit annuellement 8 millions d'appareils électroménagers avec un taux d'intégration locale de 70 à 80 %. La production approvisionne le marché algérien et s'exporte dans plusieurs pays africains. Les équipes sont distinctes, la gestion est autonome, et la filiale algérienne n'est pas directement affectée par la liquidation française.

Cette situation paradoxale illustre les mutations profondes de l'industrie mondiale. Ce qui ne fonctionne plus dans une Europe aux coûts élevés et au marché saturé peut prospérer dans des économies émergentes aux marchés en croissance. L'Algérie, avec sa population de plus de 44 millions d'habitants et une classe moyenne en expansion, offre des perspectives que l'Europe ne peut plus garantir.

La disparition de Brandt France pose toutefois la question de la crédibilité internationale de Cevital. Le groupe algérien, qui se targue d'être le premier groupe privé du pays avec un chiffre d'affaires dépassant les 4 milliards de dollars, perd sa vitrine européenne. Une perte d'image difficile à quantifier mais réelle sur la scène internationale.

Pour l'industrie française de l'électroménager, c'est un coup de grâce. Brandt était le dernier fabricant hexagonal de gros électroménager. Sa disparition symbolise le déclin d'un secteur qui, il y a encore quelques décennies, faisait la fierté du « Made in France ». Les marques françaises d'électroménager appartiennent désormais à des groupes étrangers ou ont tout simplement disparu.

Du côté algérien, cette liquidation est un rappel des risques liés à l'expansion internationale. Investir à l'étranger, c'est s'exposer à des marchés volatils, des réglementations complexes et des conjonctures économiques imprévisibles. Cevital l'apprend à ses dépens, même si le groupe assure poursuivre sa recherche de partenaires industriels pour maintenir une présence en Europe.

Les 700 salariés de Brandt France, eux, n'ont que faire de ces considérations stratégiques. Ils attendent désormais les mesures d'accompagnement promises par l'État français : reclassements, formations, indemnités. Un maigre consolation pour des hommes et des femmes qui ont parfois consacré toute leur carrière à une marque qui fête ce triste anniversaire : celui de sa disparition, un siècle après sa création.

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