"Un peuple est fort lorsqu’il ose regarder en face sa pire histoire. Ça n’arrive pas qu’à l’autre bout du monde, c’est arrivé ici. Que ce travail de mémoire serve à notre jeunesse, à tous, à l’humanité", disait Christian Bourquin, président de la Région Languedoc-Roussillon de 2010 à 2014.

Autopsie vitale du Mémorial de Rivesaltes pour l’humanité

Le Mémorial de Rivesaltes a été inauguré le vendredi 16 octobre 2015. Entre passé et présent, l’avenir étant devant, voici le résumé historique et historiographique de ce lieu qui fait désormais œuvre de mémoire, près d’un siècle après l’apparition de la bête immonde en Europe.

Manuel Valls, Premier Ministre, Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Jean-Marc Todeschini, Secrétaire d’État chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire, Ségolène Neuville, Secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion, Damien Alary, Président de la Région Languedoc-Roussillon, Président de l'EPCC du Mémorial du camp de Rivesaltes, et Hermeline Malherbe, Présidente du Département des Pyrénées-Orientales, ont inauguré le mémorial du camp de Rivelsaltes. 

Témoin des années noires du XXe siècle - guerre d’Espagne, Seconde Guerre mondiale, guerre d’Algérie - le camp de Rivesaltes occupe une place singulière et majeure dans l’Histoire de France. Camp militaire, camp pour les réfugiés espagnols, principal camp d’internement du Sud de la France en 1941 et 1942, camp d’internement pour prisonniers de guerre allemands et collaborateurs, principal lieu d’hébergement des Harkis et de leur famille... son histoire est unique.

Pour la raconter, un Mémorial conçu par l’architecte Rudy Ricciotti et l’agence Passelac  & Roques ouvre ses portes le 16 octobre 2015. Construit sur l’ancien îlot F du camp, au milieu des constructions existantes, le bâtiment de 4000 m2 est un espace de référence de l’histoire des déplacements contraints de populations et de leur mise sous contrôle, mais également un lieu de mémoire incontournable. Zoom vers le passé...

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L’Histoire de la naissance d’un camp d’internement

Le 12 novembre 1938 est promulguée la loi instituant l’internement administratif pour les « indésirables étrangers ». Elle a pour particularité de permettre l’arrestation et l’internement de personnes non pour des crimes ou des délits qu’ils auraient commis, mais pour le danger potentiel qu’ils sont censés représenter pour l’Etat. Les premières victimes de cette loi sont les Espagnols et les volontaires des brigades internationales chassés d’Espagne par la victoire de Franco. Au tout début février 1939, Ils sont plus de 450 000 à franchir la frontière pyrénéenne dont une majorité se retrouve rapidement sur les plages du Roussillon, à  Argelès, à Saint-Cyprien et au Barcarès. Un certain nombre d’entre eux se retrouveront à Rivesaltes.

C’est à l’automne 1939 qu’on commence réellement à aménager le site militaire du « camp Joffre », vaste espace de plus de 600 ha. Il n’a alors qu’une vocation militaire et, de fait, des troupes coloniales sont les premières à les occuper. En juin-juillet 1940, avec l’effondrement de la France et l’instauration d’un régime autoritaire à Vichy mettant en œuvre une politique d’exclusion et faisant le choix de la Collaboration, plus de 50 000 personnes se retrouvent en quelques mois dans les camps du sud de la France, dans cette zone non occupée, dite « libre ». Mais les camps du sud traversent un grave crise, le Gouvernement n’ayant pas vraiment les moyens de sa politique. En décembre 1940, on pense trouver une solution en transférant des milliers d’internés dans les bâtiments en dur de Rivesaltes. Très vite cependant, les difficultés du ravitaillement, la rigueur du climat, le nombre important de bébés et d’enfants offrent un tout autre spectacle. C’est le 14 janvier 1941 qu’arrivent les premiers convois venus des autres camps. Ce sont des Espagnols, des Juifs et des Tsiganes, ces derniers ayant été évacués depuis plusieurs mois d’Alsace-Moselle, un territoire rattaché au Reich de facto.

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1942, au cœur de la tourmente

Si, depuis janvier 1941, l’histoire de Rivesaltes s’inscrit dans la logique d’exclusion voulue par Vichy, la donne change à l’été 1942. L’Etat français accepte en effet de cogérer la déportation des Juifs de France voulue par l’occupant nazi, bien qu’il n’y ait pas de soldats allemands en zone sud jusqu’en novembre 1942. Entre août et novembre 1942 près de 10.000 Juifs seront ainsi livrés par Vichy au nom de la Collaboration. A Rivesaltes, ils seront quelque 2313 hommes, femmes et enfants à partir en 9 convois. Le premier convoi part de Rivesaltes le 11 août 1942 en direction de Drancy, centre de transit de la déportation des Juifs de France, antichambre de la mort, l’essentiel des 76.000 Juifs déportés de France en partant principalement pour Auschwitz-Birkenau. Au début l’Etat français ponctionne parmi les internés eux-mêmes. Puis, rapidement, Rivesaltes devient un camp régional.

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Enfin, début septembre, il est même le centre interrégional de déportation de tous les Juifs de zone non occupée, le « Drancy de zone libre » pour reprendre l’expression de Serge Klarsfeld. Mais on retiendra aussi que sur les quelques 5000 Juifs internés à Rivesaltes entre août et novembre 1942, plus de la moitié échapperont à ces convois grâce au travail des oeuvres d’assistance (Croix Rouge suisse, OSE, Cimade, YMCA, Unitarian Service etc...) mais aussi à l’envoyé du préfet, Paul Corazzi, qui fait tout pour exclure de la déportation un maximum de personnes et, en particulier, la plupart des enfants. En près de deux ans d’existence, 17.500 personnes auront été internées à Rivesaltes, dont 53% d’Espagnols, 40% de Juifs (étrangers) et 7% de Tsiganes (français).

Dès le 22 novembre 1942, soit une dizaine de jours après l’occupation de zone sud, les Allemands vident le camp pour le rendre à sa vocation première, celle d’un caserne pour les troupes concourant à la défense des côtes.

Les aléas de la sortie de guerre

La libération du département des Pyrénées-Orientales se traduit, très vite, par la réutilisation des baraques pour un camp d’internement. Il s’agit alors, pour l’essentiel, de suspects de Collaboration et de trafiquants de marché noir. Nous sommes en septembre 1944 quand ce « centre de séjour surveillé » voit le jour. C’est affaire de quelques mois : en avril 1945, il devient camp de prisonniers de guerre, principalement des Allemands, mais aussi des Autrichiens et, un temps, des Italiens. Le nombre de prisonniers augmente très rapidement (jusqu’à plus de 10 000) : leurs conditions de captivité se dégradent vite et entraînent une forte mortalité en 1945, comme on le constate dans les autres camps. Le placement de beaucoup de ces hommes comme travailleurs à l’extérieur du camp, ajouté au changement de représentant des prisonniers de guerre, améliorent singulièrement la situation dès l’été 1946. La libération des derniers prisonniers début 1948 entraîne la dissolution du dépôt. Le camp de Rivesaltes retrouve alors pleinement sa vocation militaire « normale » en quelque sorte.

De la guerre d’Algérie  à l’arrivée massive des harkis

La guerre d’Algérie marque ensuite de son empreinte l’histoire du camp de Rivesaltes. De nombreuses recrues y passent avant de traverser la Méditerranée. A la fin de la guerre, entre janvier et mai 1962, quatre îlots sont même transformés en centre pénitentiaire où sont enfermés des prisonniers du Front de Libération Nationale

(FLN). Mais c’est en septembre 1962, alors que la guerre est finie, qu’arrivent les ex-supplétifs de l’armée française en Algérie, ceux qu’on appelle les harkis. Ceux qui ont pu quitter l’Algérie avec leurs familles s’y retrouvent, provenant le plus souvent des autres premiers centres d’accueil, comme Bourg-Lastic, Bias et le Larzac. Dans un premier temps, ils se retrouvent sous des tentes militaires. Aux difficultés matérielles et à la promiscuité s’ajoutent la détresse morale et la douleur de l’exil. Le vent et le froid de l’hiver 1962 soulignent tragiquement la précarité des installations. Avec le relogement des familles dans les baraques, la vie s’organise progressivement. Mais l’intégration des anciens supplétifs et de leurs familles est difficile. Rejetés par l’Algérie indépendante et donc par une part de l’opinion française, ils sont longtemps laissés pour compte par le Gouvernement français. Nombre d’entre eux sont orientés vers les mines, la sidérurgie et les industries du nord de la France, ou sont progressivement répartis entre des ensembles immobiliers en zones urbaines spécialement conçues pour leur accueil, et 75 hameaux de forestage situés essentiellement dans le sud et le sud-est (dont un sur le camp de Rivesaltes), le camp de transit de Rivesaltes, qui aura vu passer près de 21000 Harkis et leurs familles, ferme officiellement en décembre 1964. Un village civil subsiste cependant jusqu’en mars 1965. Les dernières familles quitteront le hameau de forestage de Rivesaltes pour être relogées à la cité du Réart (Rivesaltes) en 1977.

Après le départ des harkis et jusqu’en mars 1966, de militaires guinéens et leurs familles environ 800), qui après l’indépendance de la Guinée en 1958 se trouvaient dans des casernes françaises en Afrique : Sénégal, Côte d’Ivoire, Niger… sont transférés dans le camp de Rivesaltes par la France. A cette même période, le camp accueille également un petit groupe de militaires venu d’Indochine française. Le camp revient encore une fois à sa vocation militaire. Il connaît un nouveau soubresaut de l’histoire, quand, entre 1986 et 2007 un petit centre de rétention administrative pour étrangers expulsables y est installé. Ce centre  sera finalement transféré à Perpignan, étant considéré comme un lieu incompatible avec la réalisation d’un lieu de mémoire et d’histoire.

Un lieu de mémoire incontournable

"Un peuple est fort lorsqu’il ose regarder en face sa pire histoire. Ça n’arrive pas qu’à l’autre bout du monde, c’est arrivé ici. Que ce travail de mémoire serve à notre jeunesse, à tous, à l’humanité", disait Christian Bourquin, Président du Conseil Général des Pyrénées-Orientales (1998-2010), Président de la Région Languedoc-Roussillon (2010-2014) et Sénateur des Pyrénées-Orientales (2011-2014)

En 1998, le Conseil Général des Pyrénées-Orientales initie le projet de construction d’un mémorial sur le site même du camp de Rivesaltes et acquiert pour cela un des îlots du camp, l’îlot F (espace de 42 hectares). Compte tenu de la dimension du projet, la Région Languedoc-Roussillon est ensuite apparue comme l’échelon le plus pertinent pour le porter. Elle assure la maîtrise d’ouvrage du Mémorial depuis janvier 2012. Elle est la première Région de France à porter un projet mémoriel et à mettre à disposition de chacun les outils de compréhension nécessaires pour accéder à une histoire partagée.

L’histoire du camp de Rivesaltes a inscrit ce lieu au sein d’un véritable rhizome d’événements (guerre d’Espagne, Seconde Guerre mondiale, Shoah, guerre d’Algérie, etc.), de pays (Espagne, Allemagne, Italie, Belgique, France, Pologne, États-Unis, Israël, Algérie, etc.) et de cultures. Il est aussi le seul lieu où sont conservées des traces visibles d’un pan entier de l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle. C’est pour cela qu’il est unique en France. Le Mémorial sera un espace de référence de l’histoire des déplacements contraints de populations et de leur mise sous contrôle, mais également un lieu de mémoire pour tous. Les mémoires, refoulées ou sublimées, ciment d’identités communautaires, sont objets d’enseignement et de recherche, et deviennent matériaux du récit historique qui explique, expose les faits et permet, par une approche pluridimensionnelle, de transmettre un récit commun. Le Mémorial aura donc également une vocation profondément humaniste en permettant à des communautés qui ignorent leurs histoires respectives de les découvrir en un même lieu.

Les enjeux de mémoire, de transmission et d’éducation constituent les fondements du Mémorial du camp de Rivesaltes. Ce lieu de dimension régionale, nationale et internationale aura différentes missions :

  • la recherche historique, la restitution et le partage de cette connaissance avec les publics, sous forme d’expositions temporaires, de publications, de colloques, de conférences, etc.

  • un travail pédagogique et éducatif afin de diffuser la connaissance et de susciter un questionnement sur les thématiques présentées et la relation entre histoire et mémoire : visites guidées, ateliers, documents pédagogiques, etc.

  • une approche sensible et différente grâce à l’art et à la culture qui permettent d’interroger l’histoire et la mémoire : expositions, résidences d’artistes, concerts, projections de films, etc. Le visiteur se verra proposer un parcours à l’intérieur du Mémorial, dans la salle d’exposition permanente, ainsi qu’un parcours en plein air dans le camp, au milieu des vestiges laissés en l’état et des baraques, consolidées ou reconstituées pour certaines.

En liant histoire et mémoire, témoignages et archives historiques, l’objectif du parcours de visite est de reconstituer l’histoire du lieu et des populations qui y ont été internées, d’expliquer les causes et les mécanismes de leur enfermement et de témoigner de leurs conditions de vie et de leurs destins.

Le projet du mémorial

Le projet de mémorial du camp de Rivesaltes a lui-même une longue histoire scandée par les aléas des enjeux politiques, tant il est vrai que, dans de telles opérations, histoire, politique et mémoire sont toujours étroitement mêlées. On retiendra, d’abord, que ce projet est né de la société civile. Trois personnalités ont joué un rôle décisif à l’origine : Claude Delmas et Claude Vauchez ont su mobiliser les forces locales ; Serge Klarsfeld a activé ses réseaux nationaux. L’essentiel se joue au milieu des années 1990. Les uns et les autres peuvent déjà s’appuyer sur le « Journal de Rivesaltes 1941-1942 » paru en 1993. Il a été tenu par une infirmière du Secours suisse aux enfants, Friedel Bohny-Reiter, qui y raconte la vie dans le camp et le drame des déportations. En 1994 une stèle est érigée à la mémoire des Juifs déportés du camp de Rivesaltes vers Auschwitz, une autre pour les harkis en décembre 1995. Elle sera suivie en 1999 par une stèle en hommage aux Républicains espagnols. Mais c’est le scandale provoqué par la découverte d’un fichier du camp dans une déchetterie par le journaliste Joël Mettay qui marque un tournant de l’histoire du projet. Dans la foulée une pétition nationale de grande envergure est lancée par Claude Delmas et Claude Vauchez, et est signée par Claude Simon, Simone Veil ou Edgar Morin.

C’est au même moment que le relais politique de ce combat entre en jeu en la personne de Christian Bourquin, candidat socialiste à la présidence du département des Pyrénées-Orientales, qu’il gagnera en 1998. Tout au long de sa vie, comme Président du Conseil Général, puis comme Président du Conseil Régional, y succédant à Georges Frèche, il fera de la réalisation d’un Mémorial sur le site du camp l’un de ses principaux objectifs. Ce sera sur l’îlot F, inscrit au registre des Monuments Historiques en 2000. Tout se met bientôt en place. Christian Bourquin demande à l’historien des camps d’internement, Denis Peschanski, de créer et de présider un conseil scientifique qui cadre historiquement le projet. Une commission Mémoire qui réunit les associations, une commission pédagogique qui rassemble les nombreux enseignants déjà mobilisés depuis plusieurs années avec leurs élèves complètent le dispositif. Enfin, en janvier 2006, c’est l’architecte Rudy Ricciotti, aidé du cabinet Passelac & Roques, qui remporte le concours international d’architecture. Le projet de Mémorial est voté à l’unanimité par le Conseil Général des Pyrénées-Orientales. Bientôt Robert Badinter apporte sa caution morale en acceptant de parrainer le projet. Alors s’engage un long travail de mise au point. Tandis que les aléas politiques ralentissent la réalisation concrète, le temps est mis à profit pour mieux connaître l’histoire du camp. Un inventaire photographique est réalisé sur les trois îlots majeurs, J, F et K. Tout s’accélère finalement en 2010 avec la délivrance du permis de construire, en 2012 avec le début des travaux, en 2013 avec la création du Fonds de dotation présidé par Anne Lauvergeon, et chargé de solliciter et mobiliser l’aide privée. En janvier 2014 le portage administratif est mis sur pied : il s’agira d’un Etablissement Public de Coopération Culturelle (EPCC) dont la direction est confiée, le mois suivant, à Agnès Sajaloli. Décédé le 26 août 2014, Christian Bourquin ne pourra voir l’aboutissement de ce projet et la réalisation du Mémorial. L’histoire retiendra que c’est sur son cercueil, par un discours du Premier Ministre Manuel Valls, que le Gouvernement français décidera d’engager le soutien moral et financier de l’Etat au côté de la région Languedoc-Roussillon et du département des Pyrénées-Orientales. Le 16 octobre 2015 : Manuel Valls, Premier Ministre, inaugure le mémorial du Camp de Rivesaltes.

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Le Mémorial vu par Denis Peschanski, président du conseil scientifique

"Le mémorial du camp de rivesaltes a vocation à rendre compte de notre histoire très contemporaine. Dans le second vingtième siècle, la France a connu deux traumatismes majeurs, la Seconde Guerre mondiale et la Guerre d’Algérie. La Seconde Guerre mondiale sera vue au travers du sort réservé aux internés dans les camps du sud de la France entre 1939 et la Libération. Le phénomène est massif puisqu’on estime que plus de 600 000 personnes sont passées alors par l’un de ces camps. Tous parias, ce furent les Espagnols et les volontaires des brigades internationales chassés par la victoire franquiste, mais aussi les « indésirables étrangers » dès la fin de 1938 ou les ressortissants allemands et autrichiens quand la guerre fut déclarée ; ce furent les communistes, avant comme après la défaite puis, après la débâcle, les Juifs et les étrangers, des Tsiganes chassés d’Alsace, des femmes jugées dangereuses ou même des droits communs qu’on ne voulait pas relâcher au sortir de la prison. Car telle était la règle : l’internement administratif visait des personnes non pour le crime ou le délit qu’elles étaient suspectées d’avoir commis, mais pour le danger potentiel qu’elle représentait pour l’Etat et la société. On sait aussi trop rarement que ces camps du sud furent des antichambres de la mort pour les Juifs livrés aux Allemands par les gouvernants de Vichy au nom de la collaboration. quelque temps plus tard, la France fut secouée par un autre drame, celui des guerres coloniales. nous lirons cette histoire au travers d’une population particulière, celle des Harkis, ces supplétifs de l’armée française qui furent les premières victimes de la paix enfin revenue après les accords d’Evian. Beaucoup de ceux qui restèrent en Algérie furent massacrés. Ceux qui purent être transférés en métropole furent hébergés, à rivesaltes ou Bias par exemple, oubliés de tous ou presque. Mais s’il s’agit, au travers de ce mémorial, de raconter la tragédie des indésirables, nous voulons aussi adresser un message d’espoir, celui de la solidarité et de l’entraide, de l’assistance et de la résistance. un vaste espace sera donc consacré à l’histoire des œuvres d’assistance depuis la fin du XiXe siècle et la naissance de la Croix-rouge jusqu’aux combats des œuvres d’aujourd’hui marqués par les débats sur le « droit d’ingérence humanitaire ». C’est une épopée que nous voulons raconter, celle de ces hommes et de ces femmes qui se sont dévoués pour toutes les victimes d’un grand siècle de souffrance. Mais une épopée qui s’inscrit dans l’histoire et qui, à ce titre, doit être interrogée, car ceux-là mêmes qui ont mené ce combat se sont interrogés : jusqu’où intervenir sur le terrain sans légitimer le plus fort ? Faut-il rester neutre au risque, alors, de cautionner l’oppresseur ? Doit-on rester sur le seul terrain légal quand le sauvetage peut dépendre d’une action clandestine ? Ce sont donc de grandes questions que le Mémorial de rivesaltes nous permettra de poser. Questions d’histoire, de mémoire et d’éthique. Questions pour analyser le passé mais tout autant pour comprendre le présent et, nous l’espérons tant, pour préparer l’avenir."

Denis Peschanski, historien, directeur de recherche au CNRS et président du conseil scientifique du Mémorial du camp de rivesaltes

 

N'hésitez pas à consulter le site du Mémorial du camp de Rivesaltes http://www.memorialcamprivesaltes.eu/

Posté par Mémorial du Camp de Rivesaltes sur mardi 20 octobre 2015