Hydroxychloroquine : lettre ouverte pour critiquer la méthodologie de l’étude parue dans The Lancet

Hydroxychloroquine : lettre ouverte pour critiquer la méthodologie de l’étude parue dans The Lancet

La publication anti-hydroxychloroquine parue dans The Lancet continue à faire débat. Près de 100 scientifiques critiquent la méthodologie sur plusieurs points. La revue scientifique avait dévoilé des résultats portant sur 671 hôpitaux de six continents, soit plus de 96 000 personnes, et suggérait un risque accru de décès et d’arythmie cardiaque.

Les scientifiques signataires de la lettre ouverte dénoncent l'absence de données sur les hôpitaux pris en compte dans l'étude. Ils notent aussi que les prescriptions de chloroquine ou d'hydroxychloroquine dans certains pays leurs semblent incompatibles avec la réalité. Sur son compte Tweeter, le Pr Raoult, qui a partagé ce vendredi matin le lien vers cette lettre ouverte.

Lettre ouverte à Richard Horton, éditeur du Lancet, signée par les plus grandes stars de la recherche médicale britannique parmi lesquelles Sir Nicholas White (h-index 179).https://t.co/yhF2lyWFHL pic.twitter.com/S15Pvcz8D1

— Didier Raoult (@raoult_didier) May 29, 2020

Inquiétudes autour de la médiatisation de l'étude de The Lancet 

Le retentissement de cette étude a "conduit de nombreux chercheurs à travers le monde à examiner minutieusement, en détail, la publication en question", écrivent les auteurs de la lettre ouverte publiée jeudi soir.

"Cet examen a soulevé à la fois des inquiétudes liées à la méthodologie et à l'intégrité des données", soulignent-ils avant de faire une longue liste de points problématiques, du refus des auteurs de donner accès aux données à l'absence d'"examen éthique".

Notant que la médiatisation autour de cette étude a provoqué "une inquiétude considérable chez les patients et les participants" aux essais cliniques, ils appellent à la mise en place par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) ou une autre institution, "indépendante et respectée", d'un groupe chargé de mener une analyse indépendante des conclusions de l'étude.

Parmi les signataires de cette lettre ouverte se trouvent des cliniciens, des statisticiens et autres chercheurs du monde entier, de Harvard à l'Imperial College de Londres.

"J'ai des doutes sérieux sur les bénéfices d'un traitement à la chloroquine/hydroxychloroquine contre le Covid-19 et j'ai hâte que cette histoire se termine, mais je crois que l'intégrité de la recherche ne peut pas être invoquée uniquement quand un article ne va pas dans le sens de nos préconceptions", a commenté sur Twitter le Pr François Balloux, du University College de Londres.

Nécessité d'une nouvelle vérification de toutes les données

Le Pr. Raoult avait lui-même fortement critiqué ces résultats. Il s'étonnait, par exemple, des proportions relativement proches de différentes caractéristiques ou comorbidités des patients dans les différentes régions du monde.

En outre, les auteurs de l'étude ont eux même reconnu qu'un hôpital asiatique s'est retrouvé, à tort, comptabilisé dans les chiffres australiens : 73 décès ont été ainsi comptabilisés en Australie au lieu de l'Asie. 

Selon les scientifiques signataires de la lettre ouverte diffusée ce matin, cela conduit à « la nécessité d'une nouvelle vérification de toutes les données »

Sapan Desai, un des auteurs de l'étude, est le directeur de la société ayant fourni les données 

Les données de l’étude proviennent de la société d’analyse Surgisphere - dont le directeur, Sapan Desai, est par ailleurs l’un des auteurs de la publication.  

Dans un communiqué, la société d’analyse s’est défendu en assurant  l’intégrité des données émanant d’hôpitaux. Surgisphere a toutefois reconnu que l’étude présentait des “limites” mais n’a pas souhaité divulguer ses données : "Nos accords d'utilisation des données ne nous permettent pas de les rendre publiques."  

L'étude de The Lancet n'est de toute façon qu'observationnelle, puisqu'elle porte sur des patients déjà hospitalisés, ce que les auteurs reconnaissent eux-mêmes. Il ne s'agit donc pas d'un essai clinique randomisé où des malades ou des individus sont sélectionnés en amont pour y participer.

En conséquence, elle ne permet pas « d'obtenir des preuves solides et incontestées car il y a beaucoup de facteurs qui influencent ces études », a estimé un porte-parole de l'agence espagnole du médicament dans le quotidien El Pais.