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Algérie : le RCD appelle à des marches populaires et adresse une lettre ouverte à Bouteflika

Algérie: le RCD appelle à des marches populaire et adresse une lettreAprès le Front des forces socialistes (FFS) à Tizi-Ouzou et Béjaia, le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) appelle à son tour les Algériens à des marches populaires en faveur du boycott. Le RCD adresse au président-candidat une lettre ouverte, un message au vitriol. Extrait : « la pomme de terre est à 80 DA, la jeunesse se jette à la mer et le jour où on fera le point sur les chantiers du métro d’Alger ou de l’autoroute est-ouest on verra que l’affaire Khalifa n’était ni un accident, ni un cas isolé ».

La première marche est prévue samedi à 15H30 à El Biar, sur les hauteurs de la capitale. Les deux autres devraient voir lieu le dimanche à la rue Didouche Mourad à Alger et lundi à Bab El Oued. Aucune de ces trois manifestations n'a obtenu une autorisation officielle.

Dans une conférence de presse tenue au siège de son parti, Said Sadi a rendu public une « lettre ouverte du RCD au chef de l’Etat ». La formation présidée par le docteur Said Sadi est sous les feux d’une campagne de dénigrement pour avoir dressé un drapeau noir en signe de deuil à la place de l’emblème national. L’opposant saisit l’occasion de cette offensive orechestrée par le pouvoir contre son parti pour adresser un message au président-candidat et à son Premier ministre, en prenant à témoin les Algériens.

« Les média publics que vous avez confisqués ont daigné parler du RCD le 3 avril après l’avoir ignoré des années durant, relançant les anathèmes des nostalgiques de l’époque des silences glacés et des assassinats étouffés. Nous ne répondrons ni à l’ENTV, ni à la commission chargée d’organiser la fraude ni à ceux qui ont assumé devant la justice leurs détournements ni encore moins à ceux qui offrent des pensions à un nombre de moudjahidine plus de 20 fois supérieur à celui que comptait l’ALN en 1962. Ces castes n’existent que par le détournement de l’argent du contribuable, c'est-à-dire grâce à votre complaisance Notre réponse s’adressera à vous et, accessoirement, à votre premier ministre.», martèle Said Sadi en introduction se la lettre ouverte.

« Nous avons affronté le régime qui vous a produit, nous vous avons même donné une chance quand, revenu aux affaires, vous aviez déclaré avoir tiré les leçons des abus du passé. C’est dire que nous vous connaissons, nous qui avons si souvent éprouvé vos méthodes et qu’il nous en faut beaucoup avant d’être surpris par des débordements d’un système qui sévit depuis plus d’un demi siècle », rappelle-t-il.

"Le fardeau de la honte"

Le RCD dénonce ensuite les comportements du président-candidat, les largesses qu’il se permet avec l’argent et les médias publics, et la chape de plomb qui écrase l’expression démocratique.

« (…) vous avez, M. le chef de l’Etat, créé une situation inédite dans cette campagne. (..)Vous avez grevé le budget de l’Etat dans une campagne hystérique qui relève du viol de la cité algérienne, vous confisquez les média, vous avez transformé toutes les institutions en comité de soutien. (…) Vous ne cherchez plus à séduire ni même à faire peur. Cette volonté d’humilier et de soumettre, y compris en attentant à ce que la nation a de plus sacré, plonge l’Algérie dans une atmosphère de deuil national. Ce n’est pas nous qui avons crée ce climat ; nous  avons invité nos concitoyens à en  prendre acte et le combattre pour ne pas ne pas laisser aux générations futures un fardeau dont il serait difficile de se délester : le fardeau de la honte. »

« Vous savez parfaitement que, compte tenu de la nature des candidats virtuels qui ont accepté de se commettre avec vous, vous n’aurez aucune difficulté à rester au pouvoir. Pourquoi, dès lors, avoir ordonné à tous les opérateurs économiques publics et privés de menacer de licenciement leurs employés s’ils ne se rendaient pas à vos meetings ? Savez-vous que malgré ces abus, et en dépit des affres du chômage, des pères de familles n’ont pas cédé à ces injonctions, considérant, sans doute, qu’il était possible d’expliquer à leurs enfants un manque d’emploi mais pas un manquement aux principes de dignité ? »

L’absence de Bouteflika durant les années noires, qui ont se sont soldées par des centaines de milliers de morts est habilement rappelée, de même que l’instrumentalisation de la mémoire des héros de la lutte de libération.

« Quand vous ou vos associés accusez de trahison les Algériens qui s’opposent à vous et qui ont sauvé la patrie du naufrage au moment où vous-même désertiez le terrain pendant vingt ans, vous commettez un sacrilège. (…) Fallait-il que vous soyez à ce point paniqué pour abuser des martyrs de l’indépendance que vous réduisez à des gadgets décorant le fond de vos affiches pour vous mettre en valeur ? Non content d’attenter à l’honneur du citoyen, vous asservissez les héros qui ont libéré le pays. Avez-vous besoin de priver le peuple algérien de sa volonté de respect, de reconnaissance et d’admiration pour les Belouizdad et les Krim Belkacem et de tant d’autres dont vous manipulez sans vergogne  nom et sacrifice dans un marketing douteux qui laisse entendre que leurs enfants, et donc les dépositaires de leur mémoire, sont acquis à votre candidature ? ».

Sur ce même thème, du viol organisé de la mémoire, la lettre revient sur un récent événement qui n’honore pas le pouvoir. « La dernière débaptisation d’un établissement public à Guelma contre une famille qui a le malheur de compter dans ses rangs- et c’est tout à son honneur- un commis de l’Etat qui refuse d’abdiquer devant vous est une illustration locale de vos dérives ».

L'Etat "tribalisé", le parlement "humilié"

Quant aux compromissions avec l’étranger, dont est habituellement accusé le RCD, Said Sadi renvoie la balle sans prendre de gants. « Il nous arrive de rencontrer des observateurs et des partenaires étrangers de notre pays. Ce qu’ils relèvent le plus souvent chez vous, en l’appréciant ou en le déplorant selon la nature des relations qu’ils conçoivent avec l’Algérie, c’est votre propension à brader la souveraineté politique et économique du pays dès lors qu’ils ferment les yeux sur vos turpitudes à l’intérieur. »

Said Sadi reproche enfin à Bouteflika « d’avoir tribalisé l’Etat en offrant tous les postes de souveraineté et de plus en plus les fonctions subalternes à des personnes issues d’une même tribu » et «humilié le Parlement algérien en lui faisant violer la constitution le 12 novembre alors qu’il n’avait pas vocation à porter des amendements engageant la nature et l’équilibre des pouvoirs ».

En conclusion, le RCD demande à Bouteflika de jeter l’éponge tout simplement et de rentrer chez lui. « Vous êtes à l’automne de votre vie. Après 1962 et 1965, vous en êtes à votre troisième coup d’Etat. Est-il vraiment impossible de vous amener admettre qu’il y a des manières plus saines de mener une existence ? Et si (…) vous essayiez d’être lucide en déclarant que vous vous retirez de cette supercherie par ce que vous avez enfin compris que le peuple algérien n’a plus peur, qu’il a le droit de choisir librement ses représentants et que c’est précisément pour cela que sont tombés les meilleurs de ses enfants. Vous partiriez responsable et digne en rentrant chez vous tranquillement, reposé et pour une fois, soyez en sûr, respecté ».

En attaquant ainsi frontalement Abdelaziz Bouteflika, le docteur Sadi Sadi réoccupe le terrain médiatique jusque-là monopolisé par l’équipe du président-candidat, ses lieutenants et la clientèle des partis de la «coalition présidentielle». Cette réaction marque un tournant dans la campagne, quelles qu’en soient les conséquences, elle a le mérite de briser un mur de silence et de redonner un premier souffle à l’expression démocratique.

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