Robert Ménard, au soir de la victoire. (Capture d'écran AFP)

Béziers : Robert Ménard aux affaires, sous les couleurs du Rassemblement Bleu Marine !

Après avoir suivi Robert Ménard pendant plus de 18 mois, les journalistes biterrois Ludovic Trabuchet (Midi Libre) et Pierre-Emmanuel Azam (L'Hérault du Jour) livrent à Médiaterranée leurs premières impressions sur la campagne de ce personnage passé de l'extrême gauche à l'extrême droite, avant d'être élu maire de Béziers.

Le 30 septembre 2011, Robert Ménard expliquait à Médiaterranée qu'en participant à un débat de Polémia , il répondait courtoisement à l'invitation de ce think tank d'extrême droite et que cela n'engageait en rien sa liberté de pensée et d'expression... En lançant même ceci, sans s'étouffer : ''La différence entre les journalistes et moi, c'est que moi, je ne fais pas de politique''.

Moins d'un an plus tard, il reconnaissait publiquement travailler depuis plusieurs mois à sa candidature aux élections municipales de Béziers... Contacté vendredi matin à l'hôtel de Ville pour répondre à nos questions sur cette victoire très médiatisée, Robert Ménard, aujourd'hui élu maire de Béziers sous les couleurs du Rassemblement Bleu Marine, nous a répondu, par le biais de sa responsable pôle presse de la Ville de Béziers, ne pas pouvoir honorer notre ''sollicitation''. Ceci explique en partie cela, Robert Ménard est actuellement en pleine phase de négociations pour prendre la tête de la présidence de l'Agglomération Béziers Méditerranée.

Communication

En attendant que Robert Ménard puisse se libérer et/ou souhaite accorder un nouvel entretien à Médiaterranée, nous avons sollicité deux journalistes biterrois qui l'ont suivi de près durant toute sa campagne, pour qu'ils nous fassent part de leur ressenti. Il s'agit de Ludovic Trabuchet, le journaliste de Midi Libre auquel Guillaume Vouzellaud, le représentant local du Front National, avait vendu la mèche de la candidature FN de Robert Ménard, en juillet 2012, sous l'appellation d''un gros poisson'', avant que le postulant à la mairie de Béziers ne fasse son coming out ; et de Pierre-Emmanuel Azam, journaliste à l'Hérault du Jour (La Marseillaise), un titre dans lequel la rédactrice en chef Annie Menras, qui, en bonne biteroise, connaît Robert Ménard depuis plusieurs décennies, a écrit ces deux lignes, suite au conseil municipal municipal d'installation de l'ancien président de Reporters Sans Frontières au ''sombre parcours'' : '' Le nouveau maire endosse son habit comme s’il parvenait enfin au destin qu’il s’est fixé depuis toujours ''.

Le point de vue de Ludovic Trabuchet, journaliste à Midi Libre

Robert Ménard, c'est un bosseur !

« Cette victoire, c'est surtout la marque d'un homme qui a beaucoup bossé sa campagne. Là où ses adversaires ont fait le service minimum en jouant de leurs réseaux et de leurs habitudes, lui a fait une vraie campagne. Il a fait acte de candidature en juillet 2012, ça fait 18 mois de campagne ! Et à partir de septembre, il a commencé à arpenter le terrain en étant quasiment tous les jours sur Béziers et en frappant à toutes les portes, 18 000, selon lui. Ce fut une campagne très inhabituelle pour les électeurs, qui, de fait, ont eu pour la première fois l'occasion de rencontrer un candidat et ont visiblement adhéré à son discours. Entre les deux tours, Robert Ménard m'a confié ceci : ''J'ai toujours compté sur le travail et je lui je dois beaucoup de choses'' ».

Robert Ménard a gagné parce que les autres ont perdu...

« Il a été facilité par ses adversaires. Les autres ont fait une très mauvaise campagne : le Parti Socialiste a Béziers est totalement divisé et il a présenté Jean-Michel Du Plaa, le candidat qui avait perdu en 2008 et là, dans le contexte national, c'était évidemment foutu ! De son côté, Elie Aboud a été très ambiguë aussi : il voulait se détacher de Raymond Couderc, mais il ne l'a jamais vraiment dit. Il a pris dans son équipe Agnès Julian, une élue de la Région qui a toujours tapé sur Couderc, mais ce dernier était juste derrière elle sur la liste... A gauche, comme à droite, un adversaire aurait peut-être donné plus de difficultés à Ménard. »

Robert Ménard a mené une ''campagne très habile'' !

« Il a mené une campagne très habile, en surfant sur les points négatifs de Béziers. Il a profité de la situation de Béziers qui était... ''catastrophique'', ce n'est pas le mot, parce que Raymond Couderc a fait de bonnes choses. Mais il y a ce bilan sur le centre-ville qui est quand même très mauvais, avec des quartiers complètement paupérisés, un commerce qui a complètement périclité dans ce secteur... Donc, il a su jouer là-dessus. Il a joué sur le bilan de Couderc, Couderc qui en plus, sur son dernier mandat, s'est un peu enfermé dans sa mairie, avec un fonctionnement complètement autocratique, ce qui l'a encore un peu plus coupé de la population ».

Robert Ménard a réussi à faire croire qu'il n'était pas du FN...

« Là aussi, c'était très habile : il a réussi à faire croire qu'il n'était pas du FN : les gens ont vraiment crû à ce message de sa non-appartenance au FN ! Concrètement, c'est vrai puisqu'il n'est pas du FN et était également soutenu par plusieurs autres partis, même si ces derniers (RPF, MPF, DLR) sont aussi très à droite. C'est un professionnel des médias ! Même avec ''seulement'' 6 membres FN sur sa liste, il a réussi à passer auprès de nombreux électeurs pour un candidat ''hors-système''. comme Philippe Saurel à Montpellier, toutes proportions gardées, cela lui a réussi ! Au mois de décembre, encore assez loin de l'élection, il avait fait venir Marion-Maréchal Le Pen, pour que ça marque l'électorat frontiste, ce qui lui a permis de consolider ce socle de 25 à 30% des votes. Ensuite, il a fait la différence en jouant sur le flou de son appartenance politique, ce qui lui a permis d'outrepasser ce socle de voix. »

Robert Ménard, c'est un populiste !

« Robert Ménard a eu un écho populiste indéniable. Il a promis plus de sécurité, alors que Béziers, ce n'est pas Chicago non plus... Il a aussi su jouer de ça, en plus de promettre une baisse de la fiscalité qui va être votée mercredi au premier conseil : il y est allé de promesses populistes et les gens y ont crû ».

Robert Ménard a eu un gros coup de chance !

« En septembre 2012, Guillaume Vouzellaud, le représentant local du FN, a dû disparaître des écrans radar biterrois après avoir affirmé qu'il avait été agressé par des SDF, quand l'enquête menée par nos soins a ensuite démontré qu'il a en fait été victime d'un accident de voiture sur l'autoroute dans des circonstances laissant à penser qu'il n'était pas maître de son véhicule. Il a été obligé de se mettre en retrait, et du coup, ça a facilité la tâche à Roberd Ménard pour atténuer la visibilité de son alliance avec le FN ».

Robert Ménard, maire de Béziers, un 1er avril 2014...

« Au lendemain du second tour, on a eu l'impression que Béziers s'est réveillée un peu comme si de rien était. 47% des gens ont voté pour Ménard et 53% non, mais il n'y a pas eu de dichotomie sévère dans la population, comme si les gens attendaient maintenant de voir tout ce que cela va donner... Finalement, la polémique est plus dans les médias : Robert Ménard a dit qu'il n'y aurait pas de viande halal dans les cantines ? Les médias se sont jetés dessus, alors qu'il n'y a jamais eu de repas halal dans les cantines de Béziers... Quand il a voulu changer le chef de la police municipale, les médias ont parlé de ''chasse aux sorcières'' ? Ce chef de police était à ce poste depuis 18 ans et menait donc une politique que Ménard a dénoncé durant toute sa campagne, donc c'était plutôt logique qu'il décide de le changer... »

Un club de rugby refuse de faire un match amical à Béziers, à cause de l'élection de Robert Ménard ? Cela déclenche encore une polémique finalement très nationale, que de nombreux Biterrois ne comprennent pas. Ces derniers sont plutôt contre Boujellal, pour le coup, que, contre Ménard... »

Robert Ménard et des journalistes locaux en veille...

« On lui a dit qu'on serait extrêmement vigilants à tout ce qu'il va faire, ce qui veut dire que ça ne nous empêchera pas de voir les choses qu'il pourrait bien faire. Quand on a les exemples de Toulon, de Marignane, de Vitrolles, tout simplement, tout ce qu'il a pu se passer dans le passé, on reste vigilant quand même à tout ça, effectivement ».

Le point de vue de Pierre-Emmanuel Azam, journaliste à L'Hérault du Jour

Robert Ménard, une drôle de révolution à Béziers !

« Longtemps citadelle radicale-socialiste, c’est la première fois que la cité cathare a à sa tête un premier magistrat d’extrême droite ou apparenté. Ce soutien du FN, indispensable à Ménard pour se faire élire, l’ancien responsable de RSF s’est évertué à le cacher, à le minimiser du moins. Il faut dire qu’il est difficile à porter et qu’il marque au fer rouge celui qui décide malgré tout de faire avec... Au départ, ses négociations avec le FN se sont très mal déroulées, au point que Louis Aliot, numéro 2 du FN, évoqua dans la presse l’hypothèse d’envoyer Marie Christine Aubert comme candidate à Béziers. En plein mois de mai, le sénateur maire de Béziers, Raymond Couderc, encore officiellement candidat UMP, disait de Ménard : ''je ne comprends pas qu’un homme, observateur de la politique depuis des années, n’arrive pas à saisir qu’entre l’UMP et le FN, il n’y a aucun espace. Il ne pourra pas exister''. Ménard a t-il entendu le premier magistrat biterrois ou s'est-il rendu tout seul à l’évidence ?  En tout cas, le 7 juin 2013, Robert Ménard a annoncé en conférence de presse avec Louis Aliot qu’il avait le soutien du FN pour faire de Béziers « un laboratoire ». Dans la foulée, d’autres partis sont venus en soutien, pour essayer de minimiser au maximum celui de Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan de DLR allant jusqu'à comparer Ménard à ''Jeanne d’Arc'' ».

Robert Ménard et la myopie médiatique...

« Dès le départ, la presse locale et nationale a fait de cette élection un duel entre l’UMP municipale sortante et le candidat soutenu par le FN et consort, laissant la gauche sur le bas-côté. Ménard s’est emparé de l’aubaine et n’a eu de cesse pendant toute la campagne de taper sur le bilan des 19 ans du règne Aboud-Couderc. De suite, c’est lui qui décida des thèmes, détermina le rythme, parla d’insécurité, voulant armer la police municipale, évoquant les Allées, via le communautarisme… Au lieu d’essayer d’élever le débat, Aboud l'a suivi et est parti dans la surenchère. La gauche elle, spectatrice, regarda. Du Plaa (PS) ne démarra pas de suite après les primaires citoyennes ouvertes et Couquet (FDG) a choisi comme angle d’attaque la politique d’austérité du gouvernement. Dans les débats, il y a eu une certaine régularité – Aboud dans la médiocrité, Couquet et surtout Du Plaa dans la compétence. Ménard lui s’est bonifié. Médiocre dans le premier débat public organisé, un peu meilleur dans le second, il a pris ses marques et a bien terminé l’exercice. Surtout, il s’est évertué à centrer ses coups uniquement sur Elie Aboud, critiquant sans cesse le bilan de la municipalité sortante que, comble de chance pour lui, l’adversaire UMP ne voulait pas assumer ».

Robert Ménard et le culte du chef !

« Dans sa campagne de dédiabolisation de sa candidature, Robert Ménard a obtenu le soutien d’Annie Schmitt, qui est arrivée sur sa liste après s’être fâchée avec Couderc. Au total, trois anciens de chez Couderc sont là : Schmitt, Firmin et Bresson. En tête du premier tour, il a déclaré sa flamme à Du Plaa, afin que ce dernier ne se retire pas pour un quelconque front républicain, et l'a emporté au second tour. Au fond, aucune tête n'a dépassé pendant la campagne, à par celle de Ménard. Il a personnalisé au maximum sa candidature et sauf son autorisation, aucun de ses colistiers ne s'est exprimé. A la différence notable d'Aboud, où les néo menés par la numéro 2 Jullian n'avaient de cesse de fustiger les anciens menés par le discret, mais bien présent, numéro 7 Couderc. Chez l'ancien de RSF, pas une seule voix dissonante ne s'est élevée. Pour une partition finalement parfaite. Trop parfaite ? »

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