France. Fauteuils roulants : une prise en charge intégrale qui soulage… et qui interroge encore
Entrée en vigueur le 1er décembre, la prise en charge intégrale des fauteuils roulants, sans avance de frais ni reste à charge, marque une avancée sociale majeure pour les personnes en situation de handicap. Une réforme attendue depuis des années, qui pourrait changer le quotidien de milliers de familles. Mais derrière ce progrès, les associations appellent à rester vigilants sur la qualité des équipements, les délais et les moyens réellement alloués.
Depuis dimanche, environ 150 000 personnes concernées chaque année par l’achat d’un fauteuil roulant peuvent enfin souffler. Fini les devis prohibitifs, les avances de plusieurs milliers d’euros, les refus de financement ou les compromis sur la qualité des équipements. Désormais, pour tous les fauteuils conventionnés — manuels ou électriques — la prise en charge est totale, à condition de passer par un professionnel agréé.
Pour Hakim, 42 ans, amputé d’une jambe après un accident de la route, c’est un « retour à la dignité ». Son précédent fauteuil, partiellement remboursé, avait coûté un reste à charge de 1 800 euros qu’il rembourse encore. « On vit dans un pays qui se dit solidaire. Mais pour se déplacer, je devais m’endetter. Cette réforme, c’est plus qu’un gain financier : c’est une reconnaissance. »
Cette mesure, saluée par de nombreuses associations, corrige une injustice de longue date. Les personnes handicapées sont parmi les plus touchées par la pauvreté, notamment en raison de coûts élevés souvent invisibles : matériel médical, aménagement du logement, transports spécialisés. Le gouvernement présente cette réforme comme un « pilier de l’autonomie » et une simplification administrative majeure.
Une victoire sociale, mais un changement à surveiller
Pourtant, sur le terrain, la prudence domine. Les associations rappellent que la prise en charge à 100 % ne règle pas tout. Beaucoup redoutent une standardisation des fauteuils proposés, faute de marges financières pour les fabricants ou les distributeurs. D’autres alertent sur le risque de délais allongés si les services sont saturés ou si les procédures de validation se complexifient. « Le financement ne fait pas tout », insiste Anne-Laure, ergothérapeute à Marseille. « Un fauteuil n’est pas un objet standard. Il doit être adapté au corps, à la maladie, au mode de vie. Un mauvais choix peut provoquer des douleurs, des lésions, une perte d’autonomie. »
Cette réforme ouvre aussi un débat plus large : celui de l’accessibilité réelle. Avoir un fauteuil, même bien remboursé, ne sert à rien dans une ville où les trottoirs sont impraticables, où les transports restent adaptés au compte-gouttes, où les établissements publics ne respectent toujours pas la loi de 2005. Les associations rappellent qu’en France, à peine 40 % des gares SNCF sont pleinement accessibles. « La mobilité, ce n’est pas seulement un équipement : c’est un droit », rappelle le Collectif Handi-Luttes.
Pour autant, cette prise en charge intégrale reste une avancée importante, qui rapproche la France de certains pays européens plus protecteurs. Mais elle arrive dans un contexte de fragilisation du système de santé, de tensions budgétaires et d’inégalités territoriales persistantes. Un progrès, donc, mais qui devra être accompagné, évalué, amélioré — sous peine de n’être qu’une façade.
En attendant, Hakim sourit : son nouveau fauteuil arrivera début janvier. « Je n’ai jamais eu un matériel aussi bien adapté. Cette fois, je n’ai pas eu à choisir entre ma santé et mon compte en banque. Rien que pour ça, c’est une révolution. »