Gaza. Trêve sous tirs : 357 morts en 50 jours, la paix selon Tel-Aviv
Cinquante jours après l’annonce d’un cessez-le-feu censé « geler les hostilités », le bilan est sans appel : 357 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza. Une trêve qui n’en porte que le nom, instrumentalisée par Israël pour poursuivre une guerre à bas bruit, loin de l’attention médiatique et sous couvert de « sécurité ». À Gaza, la population suffoque en silence, prise au piège d’un accord vidé de son sens.
Cela fait désormais cinquante jours que le gouvernement israélien s’enorgueillit d’avoir instauré un cessez-le-feu « historique ». Pourtant, les chiffres révèlent un tout autre récit : raids ciblés, tirs de snipers, drones « défensifs », opérations « localisées »… autant d’euphémismes utilisés pour maquiller une violence qui ne s’est jamais interrompue. Dans les ruelles de Khan Younès, autour de Rafah, jusque dans le nord ravagé, les habitants comptent leurs morts, 357 en tout, dont une large majorité de femmes et d’enfants. Une trêve qui assassine : voilà l’héritage tangible de ces dernières semaines.
Les zones les plus touchées se concentrent dans les secteurs déjà meurtris par les offensives précédentes, là où les civils s’étaient réfugiés en croyant échapper au pire. Les frappes dites « préventives » ciblent des maisons déjà éventrées, des hôpitaux de fortune, des intersections où l’on attend un camion d’eau. À Gaza, le quotidien est devenu un exercice de survie : avancer prudemment, tendre l’oreille, interpréter le bourdonnement d’un drone comme on interprète un présage.
Les autorités israéliennes parlent « d’incidents isolés ». Les Palestiniens parlent de leur vie. Et les ONG, de plus en plus empêchées d’accéder aux zones de frappe, tentent de documenter l’indocumentable : une violence diffuse, fragmentée, qui ne laisse ni trace durable ni témoin intact.
Une trêve qui tue : Gaza raconte ce que les chancelleries préfèrent taire
Dans le camp d’Al-Mawasi, rapportent les rares journalistes qui peuvent encore témoigner, le récit de Samira, 42 ans. Elle raconte comment son neveu de 11 ans a été tué en allant chercher du pain. À Beit Lahia, un infirmier témoigne avoir traité plus de vingt blessés en une seule nuit, « tous victimes de tirs près de zones soi-disant sécurisées ».
Ces récits, souvent étouffés avant d’atteindre les médias internationaux, contredisent frontalement la communication d’Israël, qui présente toute intervention comme une « réponse nécessaire » à une menace diffuse. Une justification qui permet de poursuivre, sous couvert de légalité, une politique militaire qui ne reconnaît ni frontières, ni cessez-le-feu, ni vies civiles.
C’est peut-être là le cœur du problème : la trêve n’est pas un engagement, mais un cadre malléable que Tel-Aviv ajuste selon ses besoins stratégiques. On parle de « neutralisation », de « rétablissement de l’ordre », de « prévention » — autant de termes qui autorisent toutes les dérives tout en donnant l’apparence d’une retenue.
Pour les habitants de Gaza, cette trêve instaurée sans garanties internationales ressemble à une cage dont les barreaux se resserrent lentement. Les frappes ne sont plus massives, elles sont chirurgicales. Elles n’écrasent pas : elles saignent. Elles ne détruisent pas des quartiers entiers : elles ciblent des individus, dispersent des familles, creusent la peur dans les gestes quotidiens.
Et parce que les destructions sont moins spectaculaires, elles disparaissent du radar médiatique. Le silence devient un allié précieux pour les autorités israéliennes, qui peuvent poursuivre une politique de pression permanente sans provoquer de condamnation internationale marquante.
Au fond, cette trêve n’a qu’un objectif : maintenir Gaza dans un état de vulnérabilité extrême tout en donnant à Israël la respectabilité diplomatique qu’exige la scène internationale. C’est l’art cynique de faire la guerre sans jamais l’annoncer.
Cinquante jours, 357 morts, des milliers de blessés psychiques et physiques : ce cessez-le-feu est une fiction diplomatique dont les Palestiniens paient le prix réel. Et tant que la communauté internationale se contentera de compter les morts au lieu de condamner les responsables, cette trêve-là pourrait bien se prolonger indéfiniment : un entre-deux sinistre où la paix n’est qu’un mot, et la mort, la seule constante.