Madrid se lève pour Gaza. Un signal fort en direction de l’Europe de la honte
Par Nadjib TOUAIBIAPublié le
La dernière étape de la Vuelta, qui devait s’achever dimanche 15 septembre à Madrid, a été annulée. Non pas pour des raisons techniques ou sportives, mais parce qu’un torrent humain, plus de 100 000 personnes, a envahi la capitale espagnole pour dire stop au génocide en cours à Gaza. Les rues de Madrid, de la place d’Atocha à la Gran Vía, se sont transformées en un immense cortège de solidarité avec le peuple palestinien, au prix d’affrontements avec la police qui ont fait 22 blessés parmi les forces de l’ordre et conduit à deux arrestations.
L’annulation de cette étape emblématique du Tour d’Espagne n’est pas un simple fait divers sportif. Elle marque un tournant. Dans un contexte où les gouvernements européens restent paralysés par leur incapacité à sanctionner Israël malgré des mois de massacres, la société civile prend le relais et impose le débat sur la place publique. « Notre objectif était d’obtenir une mobilisation massive », explique Víctor de la Fuente, militant d’Anticapitalistas, cité par la presse espagnole.
Un groupe baptisé « de deuil », habillé de noir
Les collectifs qui composent le Réseau solidaire contre l’occupation de la Palestine (Rescop) avaient donné rendez-vous dans trois lieux symboliques de la capitale : Atocha, Cibeles et l’Ermitage de San Antonio de la Florida. Mais très vite, la mobilisation s’est étendue à plus d’une douzaine de points, parfois improvisés, où se sont retrouvés enseignants, artistes, voisins et simples citoyens. Héctor Grad, l’une des figures du mouvement, souligne le caractère historique de cette journée : « C’était une opportunité pour des milliers de personnes d’exprimer leur désarroi face au génocide que provoque Israël. »
Dans les quartiers, des habitants se sont auto-organisés, en marge des associations officielles. À Aravaca, plus d’une centaine de personnes ont coordonné leurs actions via WhatsApp : confection de drapeaux, fabrication de pancartes, préparation logistique. Un groupe baptisé « de deuil », habillé de noir, avait même accepté de prendre le risque de l’interpellation pour bloquer le passage des coureurs. Cette détermination illustre la profondeur de la colère qui monte.
Le cri d’alarme d’un peuple
Car l’heure est grave. Après avoir massacré plus de 60 000 Palestiniens, dont une majorité de femmes et d’enfants, Israël passe désormais à l’étape suivante de son plan : l’annexion pure et simple de la totalité de Gaza. Les survivants, réduits à la faim et au désespoir, sont destinés à être parqués dans des zones de concentration, sur le modèle des camps imposés par les nazis. L’objectif est limpide : réduire au maximum la population gazaouie pour s’emparer du territoire. Ce projet sordide, cyniquement relayé par l’idée d’une station balnéaire de luxe sur les ruines de Gaza – un fantasme déjà évoqué par Donald Trump – constitue un crime d’une ampleur inédite dans l’histoire de l’humanité.
Et pourtant, face à ce crime, les chancelleries européennes se taisent, ou se contentent de mots creux. Pas de sanctions, pas d’embargos, pas de suspension d’accords. Rien qui soit à la hauteur de l’urgence.
Le soutien criminel des Etats-Unis
À Washington, le discours est encore plus glaçant. L’administration américaine réaffirme sans ambiguïté son soutien à Tel Aviv. Donald Trump cautionne le plan d’anéantissement d’un peuple. Il s’agit bel et bien d’un projet assumé : effacer Gaza de la carte, effacer un peuple de l’histoire.
C’est précisément contre ce silence complice et cette impunité arrogante que la mobilisation madrilène prend tout son sens. Dans les slogans scandés — « Boycott Israël ! », « Netanyahou assassin ! », « Ne nous regarde pas, rejoins-nous ! » — résonne l’écho d’un cri universel : celui d’une humanité qui refuse d’être spectatrice d’un génocide en direct.
Un message d’empathie et d’humanité
L’annulation de la Vuelta est un signal. Elle rappelle que la rue peut imposer l’agenda quand les élites politiques s’enferment dans leur inertie. Le peuple espagnol a envoyé « un immense message de solidarité, d’humanité et d’empathie pour le peuple palestinien », a reconnu, malgré lui, le délégué du gouvernement.
Ce message s’adresse aussi à l’Europe entière. Si Madrid a pu rassembler plus de 100 000 personnes, d’autres capitales peuvent et doivent suivre. Paris, Berlin, Bruxelles, Rome : partout, la société civile est appelée à se lever, à multiplier les actions, à occuper l’espace public pour contraindre les dirigeants à sortir de leur complicité.