Gaza : une plainte pour complicité de génocide met en cause des Franco-Israéliens
Par N.TPublié le
C’est une première qui pourrait faire date. Pour la toute première fois en France, une plainte avec constitution de partie civile pour complicité de génocide à Gaza a été déposée et jugée recevable. Depuis vendredi 6 juin, une enquête officielle est en cours, ouverte par le Parquet national antiterroriste.
En ligne de mire : des collectifs franco-israéliens soupçonnés d’avoir délibérément entravé l’acheminement de l’aide humanitaire vers la bande de Gaza entre janvier et mai 2024, alors que la famine s’y installe méthodiquement, à ciel ouvert.
Les organisations visées, telles que Israel Is Forever et Tsav 9, auraient organisé le blocage des rares convois humanitaires autorisés à franchir les frontières du territoire assiégé, condamnant des centaines de milliers de civils à la faim.
À Gaza, 2,4 millions de personnes sont désormais, selon l’ONU, « menacées de famine ». L’Union juive française pour la paix (UJFP, ainsi qu’une franco-palestinienne dont la famille est toujours sur place, ont saisi la justice. Le chef d’accusation est lourd : complicité de génocide, incitation au génocide, et crimes contre l’humanité.
Une complicité agissante, enfin nommée
Ce qui se joue ici dépasse largement le cadre d’une plainte symbolique. Elle met en lumière une réalité occultée : l’existence, en France, d’une complicité active — citoyenne, politique, logistique — dans la guerre menée contre les Palestiniens. Si des actions de soutien à l’armée israélienne ou des collectes de fonds pour des colons armés sont connues, c’est la première fois qu’un dossier judiciaire les relie à un crime aussi grave que le génocide. Cette responsabilité n’est ni abstraite, ni lointaine : elle s’incarne dans des actes concrets, répétés, volontaires.
La France, elle, tarde à ouvrir les yeux. Ou refuse de le faire. Car aucun pays d’Europe n’affiche une complaisance aussi constante envers Israël. Cette indulgence est entretenue par certains grands médias audiovisuels qui ne cachent plus leur parti pris en faveur du gouvernement israélien, réduisant systématiquement la critique de sa politique à un soupçon d’antisémitisme.
Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des Affaires étrangères, a dénoncé récemment un «nettoyage ethnique» en cours à Gaza. Mais, comme Emmanuel Macron avant lui, il s’abstient d’utiliser le mot génocide, renvoyant la responsabilité de cette qualification aux juges ou aux historiens. Ce refus n’est pas neutre : il révèle la pression du lobby pro-israélien en France pour qui l’emploi du terme entacherait définitivement l'image d’Israël, dressant un parallèle avec le nazisme. Pourtant, que reste-t-il à voir pour nommer l’innommable ?
La solidarité se lève dans les ports et dans la rue
Face à l’inaction de l’État, des poches de résistance civile émergent. À Marseille, les dockers du port de Fos ont récemment refusé de charger des composants militaires à destination d’Israël, dénonçant des livraisons complices. Interpellé à ce sujet au Parlement, le ministre français des AE a eu l’indécence d’évoquer le droit d’Israël de se défendre. Une grande journée d’action est prévue le 14 juin, portée par de nombreux syndicats et associations, pour exiger l’arrêt des crimes à Gaza et la reconnaissance de l’Etat Palestinien .
Les faits reprochés aux collectifs franco-israéliens ne sont pas isolés. Ils s’inscrivent dans une stratégie globale de punition collective. Bloquer l’aide humanitaire, empêcher la nourriture, l’eau, les soins d’atteindre des millions de personnes, c’est utiliser la famine comme arme de guerre — une tactique que l’ancien chef de la diplomatie française, Le Drian, juge « inacceptable ».
Ce dernier estime qu’Israël est « au bord de l’abîme » et devient « un État paria au niveau international ». Il dénonce aussi l'amalgame systématique entre critique du gouvernement Netanyahou et accusation d'antisémitisme, devenu un écran commode à toute dénonciation.
La justice, dernier rempart contre l’indifférence
Alors que la France se prépare à coprésider, aux côtés de l’Arabie Saoudite, une conférence internationale sur la paix au Proche-Orient le 18 juin à l’ONU, la question de la reconnaissance de l’État palestinien reste plus que jamais d’actualité. Mais cette reconnaissance, aussi symbolique soit-elle, ne saurait effacer la responsabilité des États et des individus qui ont facilité, voire activement participé, à l’asphyxie d’une population entière.
L’enquête ouverte marque peut-être un tournant. Elle met en lumière des complicités jusqu’ici tolérées, voire encouragées. Elle rappelle que le droit international n’est pas une abstraction lointaine, mais un outil à mobiliser contre les politiques de mort. Et elle oblige la France à sortir de son déni : ne rien faire face à la famine organisée de Gaza, c’est déjà en être complice.