Louis Cardin : ''les militants CGT en Algérie ont connu des situations extrêmement difficiles''. (DR)

Montpellier : La CGT en Algérie de 1945 à l'Indépendance, Louis Cardin en parle

Spécialiste de l’histoire de l’Algérie à l’Institut d'Histoire Sociale de Paris, Louis Cardin évoquera ce soir le vécu des militants de la CGT en Algérie de 1945 à l'Indépendance, aux côtés de témoins et du journaliste Pierre Daum.

Inspecteur technique PPT en coopération de 1962 à 1972 et spécialiste de l’histoire de l’Algérie à l’Institut d'Histoire Sociale de Paris, Louis Cardin présentera ses travaux sur la présence de la CGT en Algérie de 1945 à l'Indépendance, ce soir, à 18h. Lors de cette conférence organisée à l'Université Montpellier III (Amphi H) par l'Union locale CGT de Montpellierl'IHSl'UNEF et la  CGT-FAPT, le conférencier interviendra aux côtés de nombreux témoins qui racontera aussi ce qu'ont vécu les militants CGT durant cette période.

Pierre Daum, journaliste du Monde Diplomatique et auteur du livre sur les pieds-noirs intitulé "Ni valise, ni cercueil", sera également présent pour apporter son éclairage.

Le Mens'UL, le magazine de l'Union locale CGT de Montpellier, a réalisé un entretien avec Louis Cardin, pour présenter cette conférence. Un entretien que nous reproduisons ici, avec l'aimable autorisation de son auteur.

Entretien du Mens'UL avec Louis Cardin

 

Quel est ton parcours syndical ?

"Dès que je suis entré dans la vie active à Rennes, je me suis syndiqué à la CGT à 18 ans comme ouvrier électricien en bâtiment. Dès le début de la guerre d'Algérie, je fais partie des militants actifs contre le départ des appelés, mais je trouve une solution individuelle en me faisant réformé, étant en convalescence d'une grave maladie. Suite aux difficultés multiples, chômage, discrimination pour engagement syndical, il me faut quitter la Bretagne où je suis « grillé ». En passant un concours de technicien aux PTT, je me retrouve à Paris fin 1956. En 1958, à 23 ans, je suis secrétaire d'une grosse section d'un Central téléphonique. En 1963, ayant passé un nouveau concours, je suis devenu cadre technique et toujours militant au syndicat CGT des Télécoms de Paris. Étant responsable de la Commission des jeunes, c'est à la Conférence Nationale des jeunes des PTT en 1964 que Tahar Chehih, jeune Algérien Secrétaire de l'UGTA-PTT, me sollicite pour apporter une aide à la nouvelle Algérie indépendante. C'est ainsi que je pars en coopération technique en juillet 1965 pour un contrat de 2 ans. En fait, je continuerai jusqu'en 1972. A mon retour en France, je milite au sein des cadres avec l'UFC-CGT des PTT jusqu'à ma retraite et maintenant c'est au sein de la section des retraités de mon département.

Comment en es-tu venu à t'intéresser à l'histoire en général et à celle des PTT en Algérie en particulier ?

C'est essentiellement l'histoire du mouvement ouvrier qui m'intéresse, ce qui est normal pour un militant syndical. J'ai animé des formations syndicales, ce qui demande d'approfondir les connaissances et surtout dans notre Fédération avec un Secrétaire général comme Georges Frischman qui a écrit la première histoire de la Fédération CGT des PTT, il a donné le goût de l'histoire à des centaines de militants. Pour l'histoire de la CGT des PTT en Algérie, c'est en formulant la nécessité de faire connaître notre vécu en tant que militants de la CGT en coopération en Algérie, dans les années qui ont suivi l'accession à l'Indépendance, que Serge Lottier, Président de l'IHS CGT de la FAPT, m'a suggéré d'élargir à une histoire de la CGT en Algérie.

Comment s’est positionnée la CGT pendant la guerre d'Algérie ?

Durant toute la guerre, toutes les composantes de la CGT, de la Confédération aux Fédérations, des UD aux UL ont agi sans relâche pour rassembler sur les idées de paix et du respect de la volonté d'indépendance du peuple algérien.

Benoît Frachon, Secrétaire général de la CGT, parlant à Alger, le 31 octobre 1954, avait réaffirmé la position constante de la centrale pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et manifesté la solidarité de la CGT aux travailleurs Algériens. Jusqu'en 1959, la CGT est seule en tant qu'organisation syndicale à exiger la paix et la négociation avec les représentants du peuple algérien. La CGT fut combattue à outrance, ses militants calomniés, pourchassés, emprisonnés. Ainsi, dans la Fédération des PTT, des camarades comme René Boyer des Chèques postaux de Paris pour son refus de faire la guerre, resta en prison deux ans puis révoqué. En Algérie de nombreux militants de la Fédération postale furent sanctionnés, emprisonnés, expulsés tel que les camarades André Ruiz, Antoine Raynaud, Georges Gallinari, Henri Domenech, Jacques Jouve, Norbert Voirin, Emile Adjedj et bien d'autres. Des camarades des PTT ont été assassinés comme Anne-Claude Godeau et Jean-Pierre Bernard à Charonne avec sept autres victimes toutes de la CGT, lors des manifestations contre l'OAS en février 1962. Roland Siméon, notre secrétaire régional à Constantine, perdra la vie au maquis en 1956. L'engagement de la CGT durant la guerre d'Algérie était dans la continuité. La CGT défendait la paix dans les traditions du mouvement ouvrier qui l'ont toujours animées. Elle menait son action pour la paix et l'indépendance de l'époque, comme pour l'Indochine, de 1946 à 1954. En agissant ainsi, elle défendait les véritables intérêts de la France, de son peuple et de ses travailleurs.

Qu'est ce qui t'a le plus surpris dans tes recherches ?

Pour écrire une histoire de la CGT des PTT en Algérie, je bute rapidement sur une grosse difficulté, je ne trouve que peu d'éléments dans les archives de la Fédération à Paris, je piétine pendant deux ans. Néanmoins, je découvre qu'existait en Algérie un journal « L'écho des PTT » mais aucun exemplaire au siège de la Fédération. Ayant un camarade à Aix-en-Provence, je lui demande d'aller voir aux archives d'Outre-mer qui sont situées dans cette ville, s'il trouve quelques exemplaires de ce journal. Quelques jours plus tard, je reçois deux grosses enveloppes, ce sont des copies de « L'écho des PTT », une dizaine de numéros, avec un mot du camarade me signalant qu'il y a une collection quasiment complète de 1926 à 1956. De fin 2007 à juin 2008, je me rendrai cinq fois à Aix, c'est à dire plus de 20 journées pour faire près de 3 000 clichés. Je possède donc la collection numérisée qui me sert à reconstituer l'histoire des postiers en Algérie. Ce qui a été surprenant pour moi, c'est d'apprendre la situation particulière de l'Administration des PTT en régime colonial avec l'austérité permanente imposée par les gouverneurs généraux d'Alger qui se traduit par un retard sur la Métropole, une grande misère dans les bureaux de Poste et les Centre téléphoniques, répression des militants qui revendiquent, absence des indigènes comme agents titulaires. Les militants CGT en Algérie ont connu des situations extrêmement difficiles depuis les années 20 jusqu'à l'Indépendance que je souhaite faire connaître au cours de mes conférences".