Ludovic Miegeville emmène les lecteurs de Médiaterranée Languedoc-Roussillon à la découverte de la Cave de Rabelais et de son célèbre Muscat de Mireval. (N.E)

Muscat de Mireval : dans les coulisses de la Cave de Rabelais

L'Histoire le raconte et elle n'a rien d'une légende ! Au 16ème siècle, Rabelais, l'auteur de Gargantua et de Pantagruel, grimpait sur le dos de son mulet à Montpellier pour traverser la garrigue héraultaise une vingtaine de kilomètres durant, jusqu'à Mireval, sous le soleil du Midi, en Languedoc-Roussillon. Et ce, à la seule et unique fin de déguster le muscat unique de cette petite bourgade alors appelée Mirevaulx, ce qui signifie hier, comme aujourd'hui, « regarde le Val ». Près de 500 ans plus tard, la recette ancestrale du Muscat de Mireval perdure toujours. Transmise de génération en génération et habilement améliorée au fil des ans et des siècles par ses vignerons passionnés. A tel point que si François Rabelais (1494-1553) vivait aujourd'hui à Singapour, nul doute qu'il emprunterait régulièrement un jet privé pour venir déguster le fameux breuvage, in situ, à l'ombre des pins et au son des cigales, juste avant de s’atteler vaillamment à l'écriture de son prochain roman à paraître pour la rentrée littéraire 2013  !

Un savoir-faire ancestral et une bonne dose d'anticonformisme

Alors que les vendanges du terroir mirevalais battent leur plein depuis le 13 août, le raisin ayant déjà atteint un stade de maturité exceptionnel pour l'époque, Médiaterranée Languedoc-Roussillon est entrée dans les coulisses de la Cave de Rabelais, une cave coopérative qui représente aujourd'hui près de 80% de la production du Muscat de Mireval, soit près de 5000 hectolitres par an. Fondée dans les années 70, la Cave de Rabelais n'a pas ménagé sa peine, cette dernière décennie, pour allier tradition et modernité, avec, comme traits d'union, les certitudes d'un savoir-faire ancestral et ce brin d'anticonformisme source indiscutable d'innovations et de créations, au fil des saisons. A l'entrée de la Cave de Rabelais, sa vitrine commerciale (une Sarl de négoce indépendante juxtaposée à la coopérative) en est la preuve éclatante. C'est une véritable symphonie de Muscats de Mireval ou de vins réalisés à partir de cépages de muscat qui se trouve là mise en lumière, pour tous les goûts et pour toutes les bourses, sous les bons conseils de Valérie : du classique et goûtu « Muscat de Mireval Tradition » au très tendance « 34, sans doute... » (Médaille d'Or Paris 2011 et 2012 au Concours général agricole du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation), en passant par le « Muscat Petit Grain Sec » du Domaine Cazalis certifié Agriculture Biologique (AB), tous les sens sont déjà en éveil pour remonter jusqu'à « La Clé des Sens », un excellentissime Muscat de Mireval qui trouve sa force à l'aune des vendanges tardives, une technique usitée à Mireval il y a une soixantaine d'années et remise au goût du jour, en 2012, par la Cave de Rabelais, sous la présidence de Jean-Marc Rossel...

Une symphonie de muscats et de vins

Au rayon des innovations, ce n'est qu'un avant-goût ! La Cave de Rabelais a en effet décidé de développer une importante gamme de produits allant du remarquable « Muscat Pamplemousse Rosé », au pétillant « Marquis d'Alméras » (un vin mousseux demi-sec élaboré à partir d'un cépage muscat), jusqu'au muscat moelleux de la « Lumière de Muscat » et à la « Gourmandise », un vin mousseux doux rosé. Saluées par les fins connaisseurs de muscats et de vins, toutes ses variations nécessitent une méthodologie de pointe, chaque recette étant l'objet de milles attentions soigneuses. A l'arrière-boutique, dans l'immense Cave de la coopérative de Mireval, c'est Ludovic Miegeville, le maître de chai en chef, qui est aux manettes, du début à la fin de la fermentation du raisin. Voir le diaporama du reportage photos réalisé dans les coulisses de la Cave de Rabelais :Tout commence avec l'arrivée des grappes vendangées par les 40 viticulteurs adhérents de la Cave, parmi lesquels, le maire de la commune, Francis Foulquier (DVD), en cours de son troisième mandat de premier magistrat de la commune. Connues pour leurs qualités respectives, chacune de ces récoltes parcellaires passent par les bennes peseuses, avant que les viticulteurs ne repartent sur leurs vignes, un ticket d'enregistrement en poche. Pendant ce temps, le raisin est chahuté dans l'égrappoir qui tourne sur lui-même pour que les grains se décrochent de la rafle, première étape de la fabrication du muscat en cave.

Dans l'antre de la Cave de Rabelais

Deux directions s'offrent ensuite aux grains de raisins, en fonction de leurs qualités propres. Soit ils sont placés dans une cuve « Élite » de macération pelliculaire d'où ressortiront des arômes d'exception ensuite transférés dans le pressoir ; soit ils prendront directement le chemin dudit pressoir, d'où leur jus s'écoulera dans un bac de réception avant d'être inséré dans l'échangeur, un serpentin en inox qui refroidit le produit de 22 à 5 degrés Celsius en un seul passage. Ainsi refroidit, le jus prend ensuite la direction de la salle de vinification, où il est logé avec tous les bons soins de circonstance, dans l'une des 37 cuves du site d'une capacité totale de 9000 hectolitres. C'est là que commence la phase de décantation qui consiste à séparer complètement le jus clair de la bourbe, à savoir le petit reste de peaux, de pulpes et de pépins encore présent à ce stade de l'élaboration du muscat. Pour ce faire, deux méthodes différentes peuvent être utilisées : celle du débourbage statique ou celle de la flottation. Avec la première, la bourbe descend au fond de la cuve en statique sous l'effet du froid et de la pression, tandis que le jus clair reste en haut. Avec la seconde, c'est l'inverse : la bourbe monte, tandis que le jus clair reste en bas, grâce à l'ajout de gélatine et d'azote. Au final, le résultat est le même : le jus clair est transféré dans une autre cuve de vinification, où des levures minutieusement présélectionnées en laboratoires sont introduites dans le jus de raisin, à raison de 20 grammes par hectolitres, pour éliminer les levures indigènes non désirées et participer à la transformation du sucre en alcool. Pendant ce temps, la première cuve d'accueil est méticuleusement nettoyée dans l'attente du prochain jus...

Rabelais et Gargantua n'ont qu'à bien se tenir, à Mireval !

Toutes ces étapes de fabrication du Muscat de Mireval et de ses vins réalisés à partir de ses cépages, Ludovic Miegeville les connaît sur le bout des doigts et pourrait en parler pendant des heures, s'il ne craignait de déflorer quelques secrets de recettes qui font le succès des produits de la Cave de Rabelais. Arrivé en 1997 comme saisonnier, il a, à force de travail et de curiosité, rapidement gravi les échelons de la structure, devenant en 2008, le caviste responsable de l'élaboration de l'ensemble des produits de la Cave de Rabelais. Pourtant, même après l'entrée de ses Muscats de Mireval dans le label Sud de France et la pluie de médailles observées ces deux dernières années (6 médailles dans la seule catégorie des vins doux naturels !), ce trentenaire reste humble, jovial et généreux, bref, mirevelais, en somme, comme en témoignent ces quelques mots d'une limpidité toute ensoleillée : « Cette réussite, c'est le fruit d'un travail d'équipe, nous la devons à tout le monde : nous la devons à nos viticulteurs qui nous ramènent des raisins de qualité sans lesquels nous ne pourrions rien faire ! Nous la devons à Élisabeth Rosier, notre assistante de direction, qui nous aide à prendre toujours les bonnes décisions, notamment grâce à son fin palet... Nous la devons également à nos deux saisonniers, Cédric et Kevin, qui passent leur temps à tout nettoyer pour que nous puissions notamment minimiser l'utilisation de souffre (le SO2 est un agent conservateur, Ndlr)... Et nous la devons aussi aux précieux conseils de Benoît Blancheton, l'œnologue qui nous suit depuis 2006 ». Comme dirait Rabelais, « il n'est de bon vin que de Mirevaulx »... Santé !