Avignon, les parfums du Levant dans la cité des Papes
Au fil des décennies, Avignon s’est tissée une identité culinaire discrète mais solide, portée par les migrations maghrébines et levantines. Une cuisine populaire, inventive, parfois méconnue, qui raconte une autre histoire de la ville : celle des exils, des quartiers périphériques et des nouvelles générations de restaurateurs.
L’histoire culinaire orientale d’Avignon est celle d’une arrivée progressive. Dès les années 1960, des travailleurs originaires d’Algérie et du Maroc s’installent dans les quartiers de Monclar, de Saint-Chamand et du Rocade Sud, souvent attirés par les usines agroalimentaires ou les chantiers de la ville. Ces familles apportent avec elles leurs rituels culinaires : le couscous du vendredi, les soupes parfumées de ramadan, les pains façonnés à la main.
Dans les années 1980, l’installation de réfugiés du Proche-Orient – Libanais et Syriens notamment – enrichit encore cette mosaïque. Le commerce de proximité devient un moteur de transmission : boucheries halal, épiceries d’épices, boulangeries où l’on trouve msemen, pain libanais et cornes de gazelle. Aujourd’hui, cette mémoire migratoire ne relève plus seulement de l’intime : elle façonne une part de l’identité gastronomique avignonnaise.
De Monclar aux Halles : anciens pionniers et nouvelle vague
Dans les années 1970 émergent les premiers restaurants orientaux du centre-ville, souvent tenus par d’anciens travailleurs devenus commerçants. Leur cuisine est familiale, généreuse, pensée pour nourrir d’abord la communauté avant de séduire le reste de la ville. Quelques adresses du quartier Monclar, longtemps stigmatisé mais vibrant de vie, deviennent des repères : grillades au méchoui, bricks croustillantes, tajines rustiques préparés dans des cuisines minuscules.
Depuis une dizaine d’années, une nouvelle génération bouscule cette tradition. On voit fleurir des food-trucks de chawarmas, des pâtisseries fines inspirées de Beyrouth, des cantines fusion mêlant Provence et Levant, ou encore des traiteurs de quartier qui revisitent la pâtisserie maghrébine. Aux Halles d’Avignon s’installent des stands mêlant mezzés, salades chaudes et brochettes épicées, attirant une clientèle plus large, plus jeune, souvent en quête d’authenticité autant que de nouveauté.
Le phénomène touche aussi les bords du Rhône : terrasses estivales, kiosques mobiles, propositions végétariennes inspirées de la tradition levantine. La cuisine orientale trouve sa place dans les parcours touristiques du festival, devenant une halte chaleureuse entre deux spectacles.
Le kebab avignonnais, star populaire et miroir social
S’il existe un plat emblématique dans la cité papale, c’est bien le kebab, ici décliné dans une version à la fois modeste et inventive. Avignon possède l’une des plus fortes densités de kebab du Vaucluse, reflet d’un goût populaire solidement ancré. Le pain est souvent façonné localement, les sauces maison se distinguent, et certains établissements revendiquent des recettes inspirées du Liban ou de la Turquie. Ce kebab avignonnais, ancré dans les nuits estudiantines comme dans les repas familiaux, dit beaucoup de la ville : directe, cosmopolite, sans luxe mais avec du caractère.
Côté prix, Avignon reste accessible : beaucoup d’adresses maintiennent des tarifs populaires, permettant à toutes les clientèles – jeunes, travailleurs, familles, festivaliers – de s’y retrouver. La réputation de la cuisine orientale y est solide, souvent associée à la générosité et à la convivialité. Et les innovations ne manquent pas : pains maison, options végétales, pâtisseries revisitées, mezzés provençaux.