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Israël attaque la Flottille pour Gaza : le droit piétiné, les peuples se lèvent, les gouvernements se taisent

Mercredi soir, dans les eaux internationales de la Méditerranée, la marine israélienne a lancé une attaque coordonnée contre la Flottille Global Sumud, une coalition de navires humanitaires partie de Barcelone pour briser le blocus imposé à la bande de Gaza. Cette interception, menée en violation manifeste du droit international maritime, s’est accompagnée d’une grande violence et de brouillages systématiques des communications. Alors que des dizaines d’activistes, de journalistes, d’élus et de médecins ont été arrêtés et transférés vers le port israélien d’Ashdod, les gouvernements occidentaux restent, une fois encore, d’un silence assourdissant.

Mercredi soir, les principaux bateaux de la flottille ont été pris pour cible dans les eaux internationales, à plusieurs dizaines de kilomètres des côtes palestiniennes. Jeudi à la mi-journée, le Mikeno, dernier navire en route, parvenait à pénétrer à 20 kilomètres des eaux territoriales palestiniennes avant d’être à son tour intercepté. Les transmissions de la quarantaine d’embarcations encore présentes ont été brouillées par la marine israélienne, plongeant les équipes à bord dans un isolement total.

Parmi elles se trouvait le journaliste français Émilien Urbach (L’Humanité), embarqué sur le Mia Mia depuis le 31 août. Son dernier message vidéo, envoyé aux alentours de trois heures du matin jeudi, est un appel à l’aide : « S’il vous plaît, interpellez les autorités françaises pour qu’elles nous sortent de là rapidement. Merci beaucoup. » Depuis, plus aucune nouvelle.

Israël a ainsi violé, une fois de plus, plusieurs instruments fondamentaux du droit international : la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui interdit les actes d’arraisonnement illégaux en haute mer ; les Conventions de Genève, qui protègent les civils et le personnel humanitaire ; et la liberté de la presse, en empêchant délibérément les journalistes d’accéder à la bande de Gaza. « Interdire l’entrée des journalistes à Gaza, c’est refuser aux peuples du monde le droit de savoir », dénonce Anthony Bellanger, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ).

Violence en mer et impunité politique

Les images et témoignages recueillis avant la coupure des communications font état d’une grande brutalité lors de l’abordage : tirs de sommation, abordages musclés, menaces armées. Les passagers ont été transférés de force vers Israël, sans assistance consulaire préalable. À Ashdod, ils sont désormais détenus et interrogés illégalement.

Ces actes de piraterie d’État interviennent dans un contexte où l’armée israélienne continue de bombarder massivement la bande de Gaza. Jeudi, au moins vingt personnes ont été tuées dans des frappes visant notamment des hôpitaux à Deir Al-Balah et à Gaza-ville. La veille, le ministère palestinien de la Santé avait recensé 77 morts et 222 blessés supplémentaires. L’aide humanitaire reste dramatiquement insuffisante : en septembre, seuls 1 824 camions ont pu entrer dans l’enclave sur les 18 000 nécessaires, soit à peine 10 % des besoins des 2,4 millions d’habitants.

Le silence complice de Paris

Face à cette nouvelle violation du droit international, la réaction des gouvernements européens est restée timide, voire inexistante. En France, l’attitude du ministre démissionnaire des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot est particulièrement révélatrice : son communiqué, largement aligné sur la version israélienne, évoque des passagers « se dirigeant pacifiquement vers Israël » et « en bonne santé », sans un mot sur l’illégalité de l’arraisonnement ni sur la situation des 51 ressortissants français à bord.

Cette posture contraste avec la reconnaissance symbolique de l’État palestinien prononcée récemment à l’ONU. Paris, manifestement soucieuse de ne pas heurter Benyamin Netanyahou ni Washington, regarde désormais « passer le train » des événements, prise de vitesse par la politique agressive de Donald Trump au Proche-Orient.

Le directeur de L’Humanité, Fabien Gay, a adressé une lettre au président Emmanuel Macron dénonçant un « acte de piraterie » et une « entrave inadmissible à la liberté de la presse et au droit d’informer ». Il l’exhorte à agir pour obtenir la libération immédiate des Français détenus. Pour l’heure, aucune action diplomatique forte n’a été engagée.

Les peuples se lèvent

Si les gouvernements se taisent, les peuples, eux, ne restent pas immobiles. À Paris, des milliers de personnes se sont rassemblées jeudi 2 octobre sur la place de la République pour dénoncer l’attaque de la flottille et exiger la fin du génocide en cours à Gaza. La manifestation a été violemment réprimée par la police.

En Italie, la riposte est venue des ports. À Gênes, Livourne et Ravenne, des dockers ont bloqué mercredi soir l’accès aux installations portuaires, érigeant des barricades enflammées pour stopper les camions. Ces actions, coordonnées par l’Union syndicale de base (USB) et le Collectif autonome des travailleurs portuaires (Calp), visent à bloquer le trafic d’armes vers Israël. « Plus rien ne passe, aucune marchandise n’entre ou ne sort du port », déclarait le docker Romeo Pellicciari.

La loi italienne interdit en effet l’exportation d’armes vers des pays en guerre, et les syndicats exigent son application stricte. Une grève nationale est prévue le vendredi 3 octobre, avec la participation de la CGIL, de la FIOM, des secteurs de la santé, des transports et de l’éducation. L’objectif : faire pression sur le gouvernement pour qu’il cesse toute coopération militaire avec l’État israélien.

Une solidarité mondiale

De Kuala Lumpur à Buenos Aires, en passant par Berlin, Madrid, Londres ou Athènes, des rassemblements ont eu lieu mercredi soir et jeudi pour soutenir la flottille et dénoncer l’impunité israélienne. En Malaisie, où 34 ressortissants se trouvaient à bord, le Premier ministre Anwar Ibrahim a condamné « la violation des droits et de la dignité » de ses citoyens et accusé Israël d’avoir « piétiné la conscience de la communauté internationale ».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lui aussi dénoncé « la folie avec laquelle ces cadres génocidaires tentent de dissimuler leurs crimes contre l’humanité à Gaza ». Des paroles fortes, en contraste avec le mutisme français et européen.

Le crime atteint l’impensable

Pendant que les gouvernements tergiversent et que les opinions publiques se mobilisent, le massacre se poursuit. Chaque jour, des centaines de Palestiniens sont tués, des familles entières sont déplacées de force ou écrasées sous les bombes. Israël agit en toute impunité, sans crainte de sanctions internationales.

« Compte tenu du fait que ni les grandes puissances ni les Nations unies ne sont capables de faire respecter le droit international, l’unique solution est la pression sociale et syndicale », estime Anthony Bellanger. Cette pression s’exerce aujourd’hui dans les ports, dans les rues et sur les places publiques. Elle rappelle que les peuples peuvent encore faire bouger les lignes lorsque les États faillent.

 

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