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Israël : la détention administrative des Palestiniens, l’autre crime de guerre permanent

Ils seraient plus de 3 500 Palestiniens enfermés sans procès, sans accusation, sans limite de temps. Leurs noms ne figurent dans aucun dossier judiciaire, leurs crimes ne sont jamais énoncés. Leur seul tort : être palestiniens dans un territoire sous occupation. En Israël, la détention administrative n’est pas une exception : c’est une institution. Un mécanisme d’incarcération indéfinie, hérité du mandat britannique, qui permet à l’armée d’enfermer quiconque sur la base d’« informations secrètes ». Nul juge indépendant, nul avocat n’a accès au dossier. C’est la négation absolue du droit, la folie froide d’un pouvoir sans frein.

Depuis le 7 octobre 2023, cette pratique s’est emballée. Alors que l’armée israélienne dévastait Gaza, la Cisjordanie a été quadrillée de rafles : plus de 200 arrestations en quelques jours. La plupart des détenus n’ont jamais été accusés de rien. Avant cette date, on comptait déjà 1 200 prisonniers administratifs. Ils sont aujourd’hui près de trois fois plus. Des hommes, des femmes, parfois des enfants : cent mineurs seraient actuellement enfermés sous ce régime d’exception.

Les témoignages recueillis par l’ONG Addameer, basée à Ramallah, révèlent la cruauté ordinaire de cette machine carcérale. L’un d’eux, libéré mi-octobre, confie : « On en vient à espérer mourir. La vie en prison devient une forme de mort tellement on a perdu tout espoir. » Un autre raconte : « Chaque fois que je demande au juge de quoi on m’accuse, il répond : “Nous avons des informations secrètes. » Et l’enfermement continue, renouvelé tous les six mois, indéfiniment. L’arbitraire se fait système, le désespoir devient norme.

Une abomination

Ces détentions ne sont pas seulement illégales ; elles relèvent du crime de guerre. Les conventions internationales interdisent formellement l’emprisonnement sans charge ni procès. Pourtant, Israël s’y livre depuis des décennies, en y ajoutant la torture et les mauvais traitements. « Tu restes une demi-heure allongé par terre, quelqu’un te piétine, te frappe avec son arme et t’insulte », raconte un ancien prisonnier, amaigri de quarante kilos. Le Croissant-Rouge, dit-il, n’avait même pas le droit d’accès : « Nous étions complètement coupés du monde extérieur. »

Rien ni personne ne semble pouvoir enrayer cette abomination. Ni les dénonciations des ONG, ni les rares rappels au droit par les instances internationales, ni même les timides réprobations diplomatiques. L’Europe, si prompte à brandir la bannière des droits humains ailleurs, se tait lorsqu’il s’agit d’Israël. Aucun État membre n’a jamais osé qualifier cette pratique pour ce qu’elle est : un crime de guerre, une forme contemporaine de fascisme bureaucratique. L’impunité nourrit la continuité : à chaque vague d’arrestations, la machine se relance, huilée par l’indifférence.

Briser la société toute entière

La détention administrative n’est pas un accident du conflit ; elle en est le cœur noir. Elle vise à briser une société entière en rendant chacun vulnérable à l’arbitraire. Dans les villages de Cisjordanie, la peur d’être enlevé sans raison est devenue un quotidien. Des familles entières vivent dans l’attente : un fils disparaît, un père ne revient pas, un adolescent est emmené à l’aube. Aucun mandat, aucune explication. Et lorsqu’ils reviennent, après des mois ou des années d’enfermement, ils racontent l’humiliation, les coups, la torture, l’épuisement mental : « On sort de là sans savoir si on est encore vivant. »

Ce système d’emprisonnement sans fin, loin d’être un outil de sécurité, est une arme politique. Il vise à étouffer toute contestation, à punir sans preuve, à maintenir un peuple dans un tunnel d’incertitude. Israël prétend défendre la démocratie au Proche-Orient ; mais quelle démocratie se fonde sur le secret, la peur et la disparition ? Le silence des chancelleries occidentales, lui, fait partie du crime. L’arbitraire n’a pas de frontières : il prospère dans le confort des complicités.

Les Palestiniens détenus administrativement sont les témoins vivants d’un système où la loi n’est plus qu’un décor. Leur enfermement, indéfini, sans chef d’inculpation, sans horizon, rappelle la logique des pires totalitarismes. Et tant que ce crime restera sans nom, tant qu’aucun État n’osera le désigner, il continuera. Dans l’ombre des geôles israéliennes, la démocratie se dissout, et avec elle l’idée même de justice.

 

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