Nobel de la Paix : un prix politique pour la Vénézuélienne Machado, un désaveu pour Trump
Le prix Nobel de la Paix 2025, décerné à l’opposante vénézuélienne Maria Corina Machado, a été présenté par le Comité norvégien comme une récompense pour ses efforts « en faveur d’une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie ». Pourtant, derrière cette justification se profile un choix éminemment politique. En couronnant la principale rivale du président Nicolas Maduro, le Comité Nobel prend ouvertement position dans le conflit politique qui déchire le Venezuela.
La désignation de Maria Corina Machado, « figure-clé de l’unité » d’une opposition autrefois divisée et symbole de « courage civique », envoie un message de soutien sans équivoque à ceux qui contestent un « État brutal et autoritaire ». Ce prix, intervenant après les prix Vaclav-Havel et Sakharov reçus en 2024, consacre internationalement une opposante contrainte à la clandestinité, mais dont la notoriété a explosé lors des primaires de 2023 où elle avait recueilli un soutien massif. Ce choix, s’il honore une lutte démocratique, ne peut être dissocié de son puissant sous-texte géopolitique et de son timing symbolique.
Sans la moindre surprise, ce prix n’est pas revenu à l’autre grand prétendant de l’année, le président américain Donald Trump. Son absence parmi les lauréats est un désaveu cinglant, malgré le cessez-le-feu intervenu à Gaza le vendredi 10 octobre, jour même de l’annonce du Nobel. Si la Maison Blanche a fustigé un comité faisant passer « la politique avant la paix », les raisons de cette exclusion sont profondes. Trump, qui martelait mériter le prix pour avoir, selon ses dires, « mis fin à huit guerres », est en réalité jugé coupable d’avoir trop tardé à faire pression sur le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Cette inertie calculée a laissé le champ libre à l’armée israélienne pour poursuivre la dévastation de Gaza et le massacre de centaines de milliers de civils palestiniens. Son intervention, bien qu’ayant finalement débouché sur un accord, est perçue comme trop tardive et motivée par la préservation des alliances stratégiques des États-Unis avec les pays arabes et musulmans, bien plus que par une réelle compassion pour le sort des Palestiniens.
Trump aux antipodes des idéaux énoncés par Alfred Nobel
La coïncidence entre l’attribution du prix Nobel de la Paix à Maria Corina Machado et l’arrêt de l’épouvantable guerre à Gaza, qui a fait plus de 65 000 morts palestiniens dont un tiers d’enfants et de femmes, est lourdement symbolique. D’un côté, le Comité récompense une femme se battant pour la démocratie dans son pays ; de l’autre, il ignore l’homme dont les actions, aussi controversées et tardives soient-elles, ont conduit à un cessez-le-feu dans l’un des conflits les plus meurtriers de ce début de siècle. Ce contraste souligne les limites et les subjectivités inhérentes à l’exercice de distinction du Comité Nobel. Le mantra « l’Amérique d’abord » de Donald Trump, son approche transactionnelle de la diplomatie et son bilan humanitaire à Gaza sont aux antipodes des idéaux de fraternité et de coopération internationale énoncés par Alfred Nobel.
Ainsi, le prix Nobel de la Paix 2025 est une démonstration de puissance politique. En honorant Maria Corina Machado, le Comité norvégien adresse un signal fort de soutien à l’opposition vénézuélienne. En snobant Donald Trump, malgré une avancée diplomatique majeure, il sanctionne une realpolitik jugée cynique et une gestion de la crise gazaouie ayant conduit à une catastrophe humanitaire. Ce double message confirme que le prix Nobel de la Paix reste, et peut-être plus que jamais, une arme de soft power dégainée sur l’échiquier géopolitique mondial, où la paix idéale est souvent sacrifiée sur l'autel des convictions politiques.