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« Stabiliser l’enfer » : le mandat de la communauté internationale à Gaza

Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 10 octobre, Gaza continue de saigner. Chaque jour, des Palestiniens tombent sous les balles de l’armée israélienne, preuve que la « trêve » n’est qu’un mot creux dans un territoire réduit à la poussière. Plus de 90 morts et 300 blessés depuis la signature de l’accord : la guerre se prolonge sous d’autres formes, tandis que la communauté internationale s’affaire à dessiner les contours d’une « force internationale de stabilisation » (ISF) censée ramener l’ordre dans l’enclave dévastée. Mais pour les habitants de Gaza, errant parmi les décombres et la faim, cette future présence militaire n’apparaît pas comme une promesse de salut.

Officiellement, l’ISF doit sécuriser les zones évacuées par l’armée israélienne, faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et contribuer au désarmement du Hamas. En réalité, son mandat, inspiré des modèles de «stabilisation» post-conflit comme en Haïti, s’annonce bien plus intrusif. Sous couvert de protection des civils, il s’agit de pacifier par la force, d’imposer un nouvel ordre sans véritable accord politique. L’Amérique orchestre ce dispositif, garantissant à Israël un droit de veto sur la composition de la mission. Déjà, la Turquie, accusée de sympathie envers le Hamas, en est exclue. Le ton est donné : Tel-Aviv fixe les règles d’une paix sous surveillance.

La famine, toujours et encore

Ce projet, soutenu par Washington, Londres et Paris, met en lumière la hiérarchie implicite des priorités occidentales: avant la reconstruction, avant la sécurité alimentaire, avant même la reconnaissance des droits nationaux palestiniens, vient l’impératif du contrôle militaire. Pendant que les chancelleries discutent du nombre de soldats et des modalités d’intervention, les convois humanitaires peinent à franchir les checkpoints. La famine, devenue arme de guerre, ravage les quartiers détruits. L’hiver approche et les réfugiés, privés d’abris et de soins, affrontent la faim et le froid dans un silence assourdissant.

Le contraste est saisissant : alors que Gaza sombre, les grandes puissances s’appliquent à élaborer un mécanisme de gestion de crise plutôt qu’une solution politique. L’ISF, censée «stabiliser», risque de figer l’injustice. En confiant à Israël le rôle de juge et partie, on entérine une occupation prolongée sous habillage multilatéral. Les conditions d’un véritable processus de paix -retrait complet de l’armée israélienne, fin de la colonisation en Cisjordanie, création d’un État palestinien souverain- sont renvoyées à plus tard, comme toujours. Les « calendes grecques » diplomatiques deviennent le calendrier réel du Proche-Orient.

Milices et guerre civile larvée

Les pays arabes, eux, hésitent à s’engager. Ils refusent de se voir confier le rôle de supplétifs d’Israël dans une mission sans horizon politique clair. Participer, ce serait cautionner une situation où les victimes deviennent les surveillés. Cette ambiguïté alimente une colère latente, tandis que les milices soutenues par Israël poursuivent leurs exactions dans un climat de guerre civile larvée. Sur le terrain, la « politique de la terre brûlée » se poursuit, méthodiquement.

Certes, certains observateurs espèrent qu’une présence internationale sous l’égide de l’ONU puisse, à terme, ouvrir la voie à une reconstruction durable. Mais sans règlement politique, sans justice, sans souveraineté palestinienne, la stabilisation ne sera qu’un leurre. Gaza n’a pas besoin d’une nouvelle administration militaire, fût-elle internationale ; elle a besoin d’une paix fondée sur le droit, pas sur la force.

Ainsi se dessine une paix sous tutelle, dans laquelle la communauté internationale, après avoir détourné le regard du massacre, se presse désormais pour organiser la « sécurité » du champ de ruines qu’elle a laissé derrière elle. La souffrance des Palestiniens n’est pas l’urgence. Elle devient le décor d’un théâtre diplomatique où chacun cherche à paraître responsable, sans jamais affronter les causes du désastre. La « stabilisation » s’annonce comme la dernière ruse d’un ordre qui, depuis des décennies, confisque la paix au peuple palestinien.

 

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