Symbole de la vague rose dans l'Hérault, Fanny Dombre-Coste, ici avec Benoît Hamon, l'a emporté face au député UMP sortant Jean-Pierre Grand sur la 3ème circonscription. (DR)

Législatives en Languedoc-Roussillon : Ce n'est pas une vague rose, mais un raz-de-marée !

Quels sont les grands enseignement à retenir de ce second tour des élections législatives en Languedoc-Roussillon ? Il y en a deux qui sautent au yeux : Gilbert Collard, le candidat du FN, a triomphé face à Katy Guyot (PS) et dans l'Hérault, tous les candidats de la « Majorité Présidentielle » l'ont remporté, réalisant le grand chelem si prévisible, comme nous l'avions souligné ici, sur Médiaterranée.

Dans la 2ème circonscription du Gard, le spécialiste des « effets de manche » l'a emporté avec 42,8% sur Katy Guyot (41,5%) et Étienne Mourut (15,63%), le candidat UMP qui avait longuement hésité à se maintenir dans cette triangulaire mortifère.

A peine élu, Gilbert Collard s'est empressé, dans le plus grand nombre de médias possible, de poursuivre et d'amplifier la stratégie de dédiabolisation du FN portée par Marine Le Pen, selon laquelle, le parti d'extrême droite ne serait pas un parti « de haine ».

Voir cette interview de France 2 où Gilbert Collard conclut dans un registre populiste limpide qu'il sera « un casse-couille démocratique » à l'assemblée nationale :

Du côté de Katy Guyot, la défaite est d'autant plus amère qu'elle signe, après 26 ans d'absence du FN à l'assemblée nationale, l'entrée de l'un des deux seuls députés élus au Parlement au nom du « Rassemblement bleu marine » lancé par Marine Le Pen, la Présidente du Front National.

Katy Guyot (PS) a pris sa plume

La candidate socialiste gardoise a pris sa plume pour exprimer toute cette déception dans ce communiqué diffusé dimanche soir : « Les électeurs de la deuxième circonscription viennent de voter. Je remercie les 22 110 électeurs qui m’ont fait confiance. Cela n’a pas suffi... Le candidat du Front national est désormais le député de notre circonscription. Je prends acte de la décision souveraine du peuple. Je regrette profondément que le discours basé sur la peur, la haine, le repli, ait prévalu sur celui du dynamisme, de l’humanisme et de la tolérance.

L’extrême droite, même parée d’oripeaux sociaux et d’un brin de fausse respectabilité, reste l’extrême droite. Je déplore que les électeurs n’aient pas suffisamment entendu mon message : un député issu de ce territoire, sincère, inscrit dans la majorité présidentielle aurait été plus utile à ce territoire !

J’accuse l’UMP, d’avoir légitimé le discours du FN depuis ces 5 dernières années au point qu’aujourd’hui les digues sont rompues. Dans cette course effrénée aux thématiques du Front national, la droite républicaine est en train de perdre son âme. J’espère qu’elle saura tirer les leçons du résultat de ce soir.

J’appelle toutes celles et tous ceux qui ont voté pour moi au plus grand calme et au respect du vote d’aujourd’hui. Nous avons perdu cette bataille. Nous en gagnerons d’autres. Car chaque fois que le FN gagne une élection, c’est la République qui recule. Amis républicains, citoyens de la deuxième circonscription, la bataille démocratique et républicaine continue. Engagez vous pour reprendre des positions, pour faire reculer la haine, pour faire gagner les valeurs de la République. Vive la République, vive la France. »

Le grand chelem de la Majorité Présidentielle dans l'Hérault

Dans l'Hérault, la configuration n'est pas la même : tous les sièges de député à pourvoir ont été remportés par les candidats de la « Majorité présidentielle ». Même si c'était parfois, dans un mouchoir de poche, cette « Majorité Présidentielle » a réalisé un grand chelem auquel auraient pu également prétendre les départements du Gard et des P-O sans la défaite, déjà évoquée, de Katy Guyot et, celle de Toussainte Calabrese battue par Fernand Siré (49,51% contre 50,49%) , Louis Aliot (FN) n'ayant pas voulu maintenir sa candidate face à celui de l'UMP pour investir symboliquement dans l'avenir des relations entre leurs deux organisations politiques respectives.

Pour revenir sur le détail des résultats héraultais, le premier constat qui s'impose, c'est que les trois députés sortants de l'UMP ont été mis à terre. Sur la 3ème circonscription, c'est la socialiste Fanny Dombre-Coste qui a terrassé Jean-Pierre Grand, le villepiniste maire de Castelnau-le-Lez et député sortant. Vice-président de Montpellier Agglomération, ce proche de feu Georges Frêche subit là un sérieux camouflet, du haut de ses 62 ans, en s'inclinant avec 45,16%, contre 54,84%.

Sur la 4ème circonscription, c'est le député UMP sortant, Robert Lecou, qui a fait les frais de la vague rose, face au quadragénaire Frédéric Roig, vice-président socialiste du Conseil Général de l'Hérault. En ne recueillant que 44,61% des voix, contre 55,39% pour son successeur.

Sur la 7ème circonscription, c'est Sebastien Denaja (42,92%), le benjamin des députés de l'Hérault qui, à 33 ans, a renvoyé Gilles d'Etorre (37,32%) à sa mairie d'Agde, dans le contexte d'une triangulaire avec la candidate du FN, Françoise Jamet (19,76%).

Trois députés UMP sortants aux oubliettes

Sur les autres circonscriptions, les candidats de la Majorité Présidentielle raflent partout la mise. A commencer par Jean-Louis Roumégas, le candidat soutenu par le PS dans le cadre de l'accord contracté avec EELV pour les législatives qui remporte la victoire sur le maire de Palavas, Christian Jeanjean qui espérait récupérer le mandat auquel ne voulait pas se représenter le député UMP sortant Jacques Domergue. A 88 voix près, Jean-Louis Roumégas, endeuillé, par le décès de sa compagne Nicole Moschetti-Stamm survenu samedi à la suite d'une longue maladie, accède, pour la première fois de sa carrière politique, à la fonction législative.

Sur la 2ème circonscription (avant-poste de l'élection municipale montpelliéraine en 2014), Anne-Yvonne Le Dain, la vice-présidente socialiste du Conseil Régional s'impose haut la main (avec son suppléant Philippe Saurel), grâce à 66,3% des voix obtenues face à sa jeune concurrente du Parti Radical, Anne Brissaud (33,65%).

Sur la 5ème circonscription, le député socialiste sortant, Kléber Mesquida, (premier vice-président du Conseil général), n'a pas, sans surprise, éprouvé le même sort que ses pairs héraultais de l'UMP à l'Assemblée nationale : il a été élu très largement avec 61,41% des voix contre 38,59% des suffrages pour Constance Calendri (FN) dans un duel franc.

Sur la 6ème circonscription, c'est Dolorès Roqué (39,82%) qui, à 10 voix près, remporte la victoire dans une triangulaire l'opposant à l'UMP Elie Aboud (39,80%), Guillaume Vouzellaud (FN) atteignant la barre des 20,37% !

Sur la 8ème circonscription, Christian Assaf tire son épingle du jeu dans un duel qui pouvait s'annoncer serré face au patron départemental de l'UMP, Arnaud Julien, alors que la candidate du FN, Alexandra Poucet, avait capitalisé 20,23% des voix au 1er tour, sans pouvoir se maintenir au 2nd, faute d'avoir atteint la barre des 12,5% d'inscrits. Une preuve de plus que la guerre des tranchées lancée par le FN contre l'UMP et auprès de son électorat porte ses fruits, ce qui risque fort, les élections se gagnant concrètement avec des chiffres, de nourrir la crise identitaire de la droite française...

Enfin, sur la 9ème circonscription, Patrick Vignal a confirmé l'élan électoral enregistré au 1er tour, même si la partie s'est annoncée très serrée, signe que ce territoire était bien une circonscription retaillée par la droite pour la droite, même si Stephan Rossignol bénéficiait d'un sérieux ancrage territorial en tant que maire UMP de la Grande-Motte : le socialiste (50,66%) l'a emporté avec 555 voix d'avance sur son adversaire (49,34%) à l'issue d'une campagne qui s'est avérée particulièrement frictionnante entre ces deux loups expérimentés de la politique : ils n'ont ménagé ni leurs mots, ni leurs peines pour décrocher la victoire...

Et maintenant ?

La campagne passée, il faut un gagnant et un perdant. Et c'est ainsi, par une très large victoire de la gauche dans la région Languedoc-Roussillon (20 sur 23 députés aujourd'hui, contre 6, seulement, en 2007), que s'achève cette longue séquence électorale engagée par les primaires citoyennes, puis poursuivie, il y a six semaines, par l'élection du Président de la République Française, avant de se terminer, hier, par le 2nd tour des élections législatives.

« Ouf ! », diront de nombreux citoyens français et notamment ceux qui auront, encore ce dimanche, fait le choix de l'abstention parvenue dans l'hexagone à un triste record historique dans cette 5ème République en atteignant la barre astronomique des 44%, soit presque (bientôt ?) un électeur sur deux !

Mais ce qui est tout aussi certain, c'est que dans tous les partis, les acteurs de la politique vont poursuivre intensivement cette séquence, même si les campagnes s'avèrent aujourd'hui conclues. A l'UMP, où le revers est cinglant, après 5 ans de présidence Sarkozy... Au FN, où l'appel d'air est tel que les portes du Palais-Boubon s'ouvrent... Au Modem, où le parti et son fondateur, François Bayrou, sortent laminés de ces élections empreintes d'une bipolarisation toute américaine... Au Front de Gauche où ce mouvement, à l'image de la nouvelle défaite de Jean-Luc Mélenchon, ne peut pas constituer un groupe à l'Assemblée nationale avec seulement 10 députés, là où il en faudrait 15... Et bien évidemment, au PS qui, avec « les mains libres » d'une majorité législative absolue, pourra être jugé sur pièce dans ses actions, au fil du quinquennat chargé qui s'annonce.

« C'est maintenant que tout commence ! »

Pour le PS et son partenaire de la Majorité Présidentielle, EELV, le chantier est immense et ils en seront les seuls responsables. Mais un autre chantier est d'ores et déjà ouvert : celui de la préparation du congrès du PS qui se tiendra fin octobre et ouvre, de fait, une séquence électorale très importante, même si elle sera, cette fois-ci, interne au PS.

Alors que dans l'Hérault, la situation de tutelle n'est toujours pas réglée, Médiaterranée Languedoc-Roussillon suivra attentivement ces deux dossiers intimement liés. Car, loin du « ouf » de soulagement de certains, comme le disait très énergiquement un socialiste héraultais dimanche soir, juste après le verdict des urnes : « C'est maintenant que tout commence ! »