« Mourir de faim ou se faire tirer dessus » : à Gaza, Israël fait de la nourriture une arme de guerre
Par N.TPublié le
Tandis que les projecteurs étaient braqués sur le conflit Israël-Iran, le cauchemar s’est poursuivi à Gaza, loin des caméras. Depuis le 7 octobre 2023, plus de 56 000 Palestiniens ont été tués. Si les bombes continuent de pleuvoir, une autre arme, moins bruyante mais tout aussi meurtrière, frappe la population : la faim. Une famine politique, méthodiquement organisée par Israël.
Dès mars 2024, à la suite de la rupture unilatérale du cessez-le-feu par Israël, l’usage de la faim comme instrument de guerre devient une stratégie assumée. « Aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza », déclarait Israël Katz, ministre de la Défense, en avril dernier. Quelques mois plus tôt, le ministre des Finances Bezalel Smotrich avait même estimé « justifié et moral de laisser mourir de faim deux millions de Palestiniens pour libérer les otages ». Ces paroles glaçantes témoignent d’une politique pensée, assumée, revendiquée.
Des centres piégés, militarisés, létaux
Israël a imposé un blocus total sur Gaza, interdisant entrée de nourriture, de médicaments et d’eau. Puis, pour répondre aux critiques internationales, un système parallèle d’aide a été mis en place. Quatre centres de distribution, pour plus de deux millions d’habitants. Tous contrôlés par la « Gaza Humanitarian Foundation » (GHF), une structure opaque, financée par Israël et les États-Unis, dirigée par un évangéliste proche de Donald Trump et de Benyamin Netanyahu. Les Nations unies et les ONG refusent de collaborer avec cet organisme, le jugeant non neutre, armé, et au service des intérêts israéliens.
Les scènes autour de ces centres sont insoutenables. Implantés dans des zones militarisées, encerclés de talus, de barbelés et de miradors, ces sites ressemblent plus à des postes militaires qu’à des lieux de secours. Le 18 juin, un char israélien a ouvert le feu sur une foule affamée rassemblée devant l’un de ces points. Bilan : 60 morts, des centaines de blessés. Près de 560 Palestiniens ont été tués depuis mai aux abords de ces centres, 4 000 blessés. Médecins sans frontières parle d’un « simulacre de distribution alimentaire qui produit des massacres à la chaîne ».
Un soldat israélien, interrogé par le journal Haaretz, confesse : « Là où j’étais posté, entre une et cinq personnes étaient tuées chaque jour. On ne parle pas de ripostes. Il n’y a ni ennemi, ni arme. Juste des civils affamés. » L’ordre ? Tirer à balles réelles. « Notre moyen de communication, c’est la fusillade », dit-il encore.
Une famine construite, non un effet collatéral
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a dénoncé le 24 juin « un crime de guerre » : l’utilisation de la nourriture comme arme. Selon le droit international humanitaire, « affamer délibérément des civils comme méthode de guerre » est prohibé et relève de la Cour pénale internationale.
Dans le nord de Gaza, aucune aide n’est distribuée. Le 25 juin, Israël a officiellement stoppé l’acheminement de nourriture après une vidéo suggérant – à tort selon des sources locales – la présence de membres du Hamas dans les convois. Le prétexte sécuritaire sert de levier politique. Les rares convois sont concentrés dans le sud, autour de Rafah. Le but ? Pousser les civils à se déplacer massivement. Un processus de déportation, camouflé sous couvert d’aide humanitaire.
Le président de Médecins du monde alerte : « GHF est un outil pour concentrer les populations au sud avant d’envisager autre chose, peut-être l’expulsion. » Ceux qui tentent de fuir la faim risquent d’être abattus. « C’est de la cruauté. »
Le silence européen, la complaisance française
Face à ce crime organisé, les chancelleries européennes tergiversent. Les ministres des Affaires étrangères esquivent. Aucune sanction n’est prise contre Israël. L’impunité est totale. Rarement un État aura pu, en toute visibilité, affamer une population entière sans être inquiété. Jens Laerke, du Bureau humanitaire de l’ONU, déclarait il y a un mois : « Gaza est aujourd’hui le seul territoire au monde où 100 % de la population est menacée de famine. »
La presse française, restée étonnamment silencieuse pendant les 12 jours du conflit Israël-Iran, commence à diffuser, au compte-goutte, des images de Palestiniens affamés, tués en tentant d’accéder à de la nourriture. Trop tard. Trop peu. Trop timide. L’Histoire jugera